Simple épisode qui, sans se rattacher directement à l’action, donnera à la clientèle une idée sur la façon de vivre de nos héros.
Amour en latin faict amor.
Or donc provient d’amour la mort
Et, par avant, soulcy qui mord,
Deuils Plours, Pièges, forfaitz, remord…
(Blason d’amour.)
Un jour, pourtant, ce fut plus grave que d’habitude.
Un soir, plutôt.
Ils étaient allés au Théâtre d’Application, où l’on jouait, entre autres pièces, L’Infidèle, de M. de Porto-Riche.
– Quand tu auras assez vu Grosclaude, grincha Raoul, tu me le diras.
– Et toi, vitupéra Marguerite, quand tu connaîtras Mlle Moreno par cœur, tu me passeras la lorgnette.
Inaugurée sur ce ton, la conversation ne pouvait se terminer que par les plus regrettables violences réciproques.
Dans le coupé qui les ramenait, Marguerite prit plaisir à gratter sur l’amour-propre de Raoul comme sur une vieille mandoline hors d’usage.
Aussi, pas plutôt rentrés chez eux, les belligérants prirent leurs positions respectives.
La main levée, l’œil dur, la moustache telle celle des chats furibonds, Raoul marcha sur Marguerite, qui commença, dès lors, à n’en pas mener large.
La pauvrette s’enfuit, furtive et rapide, comme fait la biche en les grands bois.
Raoul allait la rattraper.
Alors, l’éclair génial de la suprême angoisse fulgura le petit cerveau de Marguerite.
Se retournant brusquement, elle se jeta dans les bras de Raoul en s’écriant :
– Je t’en prie, mon petit Raoul, défends-moi !