Entre deux êtres susceptibles d’amour, la durée de la passion est en raison de la résistance primitive de la femme, ou des obstacles que les hasards sociaux mettent à votre bonheur.
Si l’on ne vous laisse désirer qu’un jour, votre amour ne durera peut-être pas trois nuits. Où faut-il chercher les causes de cette loi ? je ne sais. Si nous voulons porter nos regards autour de nous, les preuves de cette règle abondent : dans le système végétal, les plantes qui restent le plus de temps à croître sont celles auxquelles est promise la plus longue existence ; dans l’ordre moral, les ouvrages faits hier meurent demain ; dans l’ordre physique, le sein qui enfreint les lois de la gestation livre un fruit mort. En tout, une œuvre de durée est long-temps couvée par le temps. Un long avenir demande un long passé. Si l’amour est un enfant, la passion est un homme. Cette loi générale, qui régit la nature, les êtres, et les sentiments, est précisément celle que tous les mariages enfreignent, ainsi que nous l’avons démontré. Ce principe a créé les fables amoureuses de notre moyen âge : les Amadis, les Lancelot, les Tristan des fabliaux, dont la constance en amour paraît fabuleuse à juste titre, sont les allégories de cette mythologie nationale que notre imitation de la littérature grecque a tuée dans sa fleur. Ces figures gracieuses dessinées par l’imagination des trouvères consacraient cette vérité.