À UNE PETITE AVEUGLE

Tu pleures, l’âme reposée.

Avec ses rumeurs sans pitié

Le jour assiège ta faiblesse.

Tu ne vois rien, l’heure te laisse,

Et la lumière est à tes pieds.

Quand parmi la foule sans nombre

Tu rayonnes sur le chemin,

Si l’on te frôle un peu, ta main

Est une caresse dans l’ombre.

Tu gardes au soleil d’espoir

Ta tendresse vague, étoilée…

Toujours grave, toujours voilée,

Toujours dans la fête du soir !

L’ombre est ta sœur quand tout succombe,

Ta sœur près de ces hommes-ci,

Tous ceux que mêle et qu’adoucit

Votre double pitié qui tombe !

Quand avec son éternité

Le soir nous berce et nous effraie,

Tu deviens de plus en plus vraie

Parmi la morne vérité.

L’azur s’abîme de tendresse.

L’amour chante, silencieux,

Les ténèbres ouvrent tes yeux.

Ton front éclôt et se redresse.

Tu te mêles au vieux martyr

De la nuit seule sur le monde.

Tout se tait et l’ombre est profonde ;

Petite enfant qui vois souffrir…