Viens avec tes petits pieds…
Ô ma reine d’obéissance,
Docile aux heures d’alentour,
Ton âme est comme le silence
Et ta robe est comme le jour.
Dans le vague où tu t’étioles
Ta tête est douce sur ton cou,
Ton âme est l’accueil des paroles,
Ta grâce est le pardon de tout…
Fantôme de pauvre lumière
Auprès du vitrail attristé,
Tes épaules sont la prière,
Tes mains sont la simplicité.
Et lorsque la fenêtre blême
Laisse entrer le soir soucieux,
Tu n’es que la bonté qui m’aime
Et que l’étoile de tes yeux !…
Un soir aux visions pieuses,
Mon âme entrant dans un baiser,
Entre tes lèvres paresseuses
Je parlerai pour m’amuser…
Je serai ta main qui se donne,
Tes épaules et ton front clair.
Je serai la voix qui chantonne
La chanson pure de ta chair.
De tout mon amour qui flamboie
Émerveillant l’œil qui s’endort,
Je verrai mon regard de joie
Couronné par tes cheveux d’or.
Ou bien, par un soir en détresse
Morne, penché vers ton émoi,
Dans tes paupières de caresse
J’aurai le vertige de moi.
Et quand, au couchant écarlate,
Nous frémirons d’un seul frisson,
Un jour, ta bouche délicate
Dira doucement ma chanson.
Dans le soir comme en une église
Tu rêveras le long passé,
Tu rêveras la chambre grise
Et ce que le jour a laissé…
Alors dans l’angoisse sacrée,
Ombre captive au soupirail,
Sur la vitre décolorée,
Tu mettras ton front sans travail.
Quand toute âme se dissimule,
Quand tout meurt à la mi-clarté,
Lorsque l’immense crépuscule
T’habille avec sa pauvreté…
Puis levant ta tête indécise,
L’œil morne, au grand vitrail amer,
Tu rêveras la paix exquise,
Et l’immensité de la mer !
Ta voix sera lente et peureuse
Des vieux jours que rien ne défend,
Alors tu seras malheureuse,
Ô ma princesse, ô mon enfant.
Je sens trembler un peu la douceur de la vie…
Tu viendras dans mon âme avec un grand air triste,
J’entends des voix chanter dans la longueur des jours,
J’entends des chants lassés qui finissent toujours,
Et le ciel s’assombrit comme un cœur qui s’attriste.
Il nous faudra longtemps, purs et silencieux,
Nous qui sommes venus les derniers dans les choses,
Deviner la détresse au fond des âmes closes,
Et voir la solitude au fond de tous les yeux.
Hélas, sans le vouloir, dans mon mal solitaire,
Je conduirai celui qui m’a donné la main,
Et j’ai peur en voyant l'angoisse du chemin
Où je dois m’en aller avec mon petit frère.
Que puis-je te donner, petit prince aux yeux doux,
Que puis-je te donner pour la marche sans trêve,
Sinon un peu d’orgueil entrevu dans un rêve
Et ce bonheur lassé qui pleure au fond de nous !
Oh ! ne ferai-je pas mourir ta gentillesse
En te montrant la vie et son décor très noir,
Et les pauvres malheurs qui font l’adieu du soir,
Et toute la grandeur et toute la tristesse !