LE SOMMEIL

Tandis qu’au milieu du silence

Tu t’endors sous le rideau noir,

Je sens éclore ton absence

Dans la grande chambre du soir !

Quelle immense pitié se lève,

Pauvre ange aux yeux clos, à te voir

Lorsque tu dors, blanche de rêve,

Auprès de moi triste du soir.

Tu ne me connais plus, ma reine,

Tout entière à l’espoir tremblant

Ta petite main tient à peine

La douce vie et le drap blanc.

Et je reste seul, et je pense

Que tu rêves bien loin du jour,

Et que ton repos est immense

Et divin comme notre amour !

Nous en avons comme un présage

Au fond des soirs mystérieux,

Lorsque notre âme fait naufrage

Dans la fatigue de nos yeux.

Je suis seul parmi toutes choses,

Hélas, tout se tait devant moi,

Et ta figure aux lèvres closes

Est comme un souvenir de toi.

Je te vois tranquille et sans geste,

Ton sourire s’est effacé…

On dirait l’adieu qui vous reste

Quand on est seul dans le passé.