VII

Amer savoir, celui qu’on tire du voyage !

Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,

Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :

Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui !

Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;

Pars, s’il le faut. L’un court, et l’autre se tapit

Pour tromper l’ennemi vigilant et funeste,

Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,

Comme le Juif errant et comme les apôtres,

À qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,

Pour fuir ce rétiaire infâme ; il en est d’autres

Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.

Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,

Nous pourrons espérer et crier : En avant !

De même qu’autrefois nous partions pour la Chine,

Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,

Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres

Avec le cœur joyeux d’un jeune passager.

Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,

Qui chantent : « Par ici ! vous qui voulez manger

Le Lotus parfumé ! c’est ici qu’on vendange

Les fruits miraculeux dont votre cœur a faim ;

Venez vous enivrer de la douceur étrange

De cette après-midi qui n’a jamais de fin ? »

À l’accent familier nous devinons le spectre ;

Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.

« Pour rafraîchir ton cœur nage vers ton Électre ! »

Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.

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