CXLII

QUAND on sait qu'il ne sera pas fait prisonniers, on se défend fortement dans une telle bataille. C'est pourquoi les Francs se font hardis comme des lions. Voici que vient contre eux, en vrai baron, Marsile. Il monte le cheval qu'il appelle Gaignon. Il l'éperonne bien et va frapper Bevon : celui-là était sire de Dijon et de Beaune ; il brise son écu, rompt son haubert et, sans redoubler le coup, l'abat mort. Puis il tue Ivod et Ivoire ; avec eux Gérard de Roussillon. Le comte Roland n'est guère loin. Il dit au païen : « Dieu te maudisse ! A si grand tort tu m'occis mes compagnons ! Tu le paieras avant que nous nous séparions et tu vas apprendre le nom de mon épée. » En vrai baron, il va le frapper ; il lui tranche le poing droit. Puis il prend la tête à Jurfaleu le Blond : celui-là était fils du roi Marsile. Les païens s'écrient : « Aide-nous, Mahomet ! Vous, nos dieux, vengez-nous de Charles ! En cette terre il nous a mis de tels félons que, dussent-ils mourir, ils ne videront pas le champ. » L'un dit à l'autre : « Or donc fuyons ! » Et cent mille s'en vont : les rappelle qui veut, ils ne reviendront pas.

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