XX

« FRANCS chevaliers », dit l'empereur Charles, « élisez-moi un baron de ma terre, qui puisse porter à Marsile mon message. » Roland dit : « Ce sera Ganelon, mon parâtre. » Les Français disent : « Certes il est homme à le faire ; lui écarté, vous n'en verrez pas un plus sage. » Et le comte Ganelon en fut pénétré d'angoisse. De son col il rejette ses grandes peaux de martre ; il reste en son bliaut de soie. Il a les yeux vairs, le visage très fier ; son corps est noble, sa poitrine large : il est si beau que tous ses pairs le contemplent. Il dit à Roland : « Fou ! pourquoi ta frénésie ? Je suis ton parâtre, chacun le sait, et pourtant voici que tu m'as désigné pour aller vers Marsile. Si Dieu donne que je revienne de là-bas, je te ferai tel dommage qui durera aussi longtemps que tu vivras ! » Roland répond : « Ce sont propos d'orgueil et de folie. On le sait bien, je n'ai cure d'une menace ; mais pour un message il faut un homme de sens ; si le roi veut, je suis prêt : je le ferai à votre place. »

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