Ce mois de mai, nous eûmes à Hatherley House une véritable troupe.
C’était Bob, et Sol, et Jack Hawthorne, et master Nicolas Cronin. C’était, d’autre part, miss Maberly, et Elsie, et maman, et moi.
En cas de nécessité, nous pouvions recruter dans les résidences des environs une demi-douzaine d’invités, de manière à pouvoir former un auditoire quand on produisait des charades ou des pièces, de notre cru.
Master Nicolas Cronin, jeune étudiant d’Oxford, adonné aux sports et plein de complaisance, fut, de l’avis de tous, une acquisition utile, car il était doué d’un étonnant talent pour l’organisation et l’exécution.
Jack ne montrait pas, tant s’en faut, autant d’entrain qu’autrefois.
En fait, nous fûmes unanimes à l’accuser d’être amoureux, ce qui lui fit prendre cet air nigaud qu’ont les jeunes gens en pareille circonstance, mais il n’essaya point de se disculper de cette charmante imputation.
– Qu’allons-nous faire aujourd’hui ? dit un matin Bob. Quelqu’un de vous a-t-il une idée ?
– Vider l’étang, dit master Cronin.
– Nous n’avons pas assez d’hommes, dit Bob. Passons à autre chose.
– Il faut organiser une cagnotte pour le Derby, dit Jack.
– Oh ! on a du temps de reste pour cela : les courses n’auront lieu que dans la seconde semaine. Voyons, autre chose ?
– Le Lawn-tennis, suggéra Sol, avec hésitation.
– Du Lawn-tennis, il n’en faut pas.
– Vous pourriez organiser une dînette à l’Abbaye d’Hatherley, dis-je.
– Superbe, s’écria master Nicolas Cronin, c’est bien cela. Qu’en dites-vous, Bob ?
– Une idée de première classe, dit mon frère, adoptant la proposition avec empressement.
Les repas sur l’herbe sont très aimés de ceux qui en sont à la première phase de la tendre passion.
– Eh bien, comment nous y rendrons-nous, Nell ? dit Elsie.
– Je n’irai pas du tout, dis-je. J’y tiendrais énormément, mais j’ai à planter ces fougères que Sol est allé me chercher. Vous feriez mieux d’aller à pied. Ce n’est qu’à trois milles, et on pourrait envoyer d’avance le petit Bayliss avec le panier de provisions.
Il surgit alors un autre obstacle.
Le lieutenant s’était donné une entorse la veille. Il n’en avait jusqu’alors parlé à personne, mais à présent, ça commençait à lui faire mal.
– Vraiment, pourrais pas, dit Jack, trois milles à l’aller, trois au retour.
– Allons, venez, ne faites pas le fainéant, dit Bob.
– Mon cher garçon, dit le lieutenant, j’ai fait assez de marches pour le reste de ma vie. Si vous aviez vu avec quelle ardeur notre énergique général me poussait de Kaboul à Kandahar, vous auriez pitié de moi.
– Laissons le vétéran tranquille, dit master Nicolas Cronin.
– Ayons pitié de ce soldat blanchi sous le harnais, remarqua Bob.
– Assez blagué comme cela ! fit Jack. Je vais vous dire ce que je compte faire, reprit-il en se ranimant. Vous me donnerez la charrette anglaise, Bob, et je la conduirai en compagnie de Nell, dès qu’elle aura fini de planter ses fougères. Nous pourrons nous charger du panier. Vous venez, n’est-ce pas, Nell ?
– C’est entendu, dis-je.
Bob donna son approbation à cet arrangement, et tout le monde fut content, à l’exception de master Salomon Barker, qui jeta sur le militaire un regard imprégné d’une indulgente malice.
L’affaire définitivement convenue, toute la troupe alla faire les préparatifs, et ensuite on partit par l’avenue.