Scène VII

Pymante, Dorise

Pymante , la prenant pour Géronte, et l’embrassant.

Ô dieux ! voici Géronte, et je le croyais mort.

Malheureux compagnon de mon funeste sort…

Dorise , croyant qu’il la prend pour Rosidor, et qu’en l’embrassant il la poignarde.
Ton œil t’abuse. Hélas ! misérable, regarde

Qu’au lieu de Rosidor ton erreur me poignarde.

Pymante
Ne crains pas, cher ami, ce funeste accident,

Je te connais assez, je suis… Mais, impudent,

Où m’allait engager mon erreur indiscrète ?

Monsieur, pardonnez-moi la faute que j’ai faite.

Un berger d’ici près a quitté ses brebis

Pour s’en aller au camp presqu’en pareils habits ;

Et d’abord vous prenant pour ce mien camarade,

Mes sens d’aise aveuglés ont fait cette escapade.

Ne craignez point au reste un pauvre villageois

Qui seul et désarmé court à travers ces bois.

D’un ordre assez précis l’heure presque expirée

Me défend des discours de plus longue durée.

À mon empressement pardonnez cet adieu ;

Je perdrais trop, monsieur, à tarder en ce lieu.

Dorise
Ami, qui que tu sois, si ton âme sensible

À la compassion peut se rendre accessible,

Un jeune gentilhomme implore ton secours ;

Prends pitié de mes maux pour trois ou quatre jours ;

Durant ce peu de temps, accorde une retraite

Sous ton chaume rustique à ma fuite secrète :

D’un ennemi puissant la haine me poursuit,

Et n’ayant pu qu’à peine éviter cette nuit…

Pymante
L’affaire qui me presse est assez importante

Pour ne pouvoir, monsieur, répondre à votre attente.

Mais si vous me donniez le loisir d’un moment,

Je vous assurerais d’être ici promptement ;

Et j’estime qu’alors il me serait facile

Contre cet ennemi de vous faire un asile.

Dorise
Mais, avant ton retour, si quelque instant fatal

M’exposait par malheur aux yeux de ce brutal,

Et que l’emportement de son humeur altière…

Pymante
Pour ne rien hasarder, cachez-vous là derrière.

Dorise
Souffre que je te suive, et que mes tristes pas…

Pymante
J’ai des secrets, monsieur, qui ne le souffrent pas,

Et ne puis rien pour vous, à moins que de m’attendre.

Avisez au parti que vous avez à prendre.

Dorise
Va donc, je t’attendrai.

Pymante
Cette touffe d’ormeaux

Vous pourra cependant couvrir de ses rameaux.

Share on Twitter Share on Facebook