Scène II

Rosidor, Lysarque

Rosidor

Ce devoir, ou plutôt cette importunité,

Au lieu de m’assurer de ta fidélité,

Marque trop clairement ton peu d’obéissance.

Laisse-moi seul, Lysarque, une heure en ma puissance ;

Que retiré du monde et du bruit de la cour,

Je puisse dans ces bois consulter mon amour ;

Que là Caliste seule occupe mes pensées,

Et par le souvenir de ses faveurs passées,

Assure mon espoir de celles que j’attends ;

Qu’un entretien rêveur durant ce peu de temps

M’instruise des moyens de plaire à cette belle,

Allume dans mon cœur de nouveaux feux pour elle :

Enfin, sans persister dans l’obstination,

Laisse-moi suivre ici mon inclination.

Lysarque

Cette inclination, qui jusqu’ici vous mène,

À me la déguiser vous donne trop de peine.

Il ne faut point, monsieur, beaucoup l’examiner :

L’heure et le lieu suspects font assez deviner

Qu’en même temps que vous s’échappe quelque dame…

Vous m’entendez assez.

Rosidor
Juge mieux de ma flamme,

Et ne présume point que je manque de foi

À celle que j’adore, et qui brûle pour moi.

J’aime mieux contenter ton humeur curieuse,

Qui par ces faux soupçons m’est trop injurieuse.

Tant s’en faut que le change ait pour moi des appas,

Tant s’en faut qu’en ces bois il attire mes pas :

J’y vais… Mais pourrais-tu le savoir et le taire ?

Lysarque
Qu’ai-je fait qui vous porte à craindre le contraire ?

Rosidor
Tu vas apprendre tout ; mais aussi, l’ayant su,

Avise à ta retraite. Hier, un cartel reçu

De la part d’un rival…

Lysarque
Vous le nommez ?

Rosidor
Clitandre.

Au pied du grand rocher il me doit seul attendre ;

Et là, l’épée au poing, nous verrons qui des deux

Mérite d’embraser Caliste de ses feux

Lysarque
De sorte qu’un second…

Rosidor
Sans me faire une offense,

Ne peut se présenter à prendre ma défense :

Nous devons seul à seul vider notre débat.

Lysarque
Ne pensez pas sans moi terminer ce combat :

L’écuyer de Clitandre est homme de courage,

Il sera trop heureux que mon défi l’engage

À s’acquitter vers lui d’un semblable devoir,

Et je vais de ce pas y faire mon pouvoir.

Rosidor
Ta volonté suffit ; va-t’en donc, et désiste

De plus m’offrir une aide à mériter Caliste.

Lysarque est seul.
Vous obéir ici me coûterait trop cher,

Et je serais honteux qu’on me pût reprocher

D’avoir su le sujet d’une telle sortie,

Sans trouver les moyens d’être de la partie.

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