Scène IV

Caliste, Dorise

Caliste

Je n’en puis plus douter, mon feu désabusé

Ne tient plus le parti de ce cœur déguisé.

Allons, ma chère sœur, allons à la vengeance,

Allons de ses douceurs tirer quelque allégeance ;

Allons, et sans te mettre en peine de m’aider,

Ne prends aucun souci que de me regarder.

Pour en venir à bout, il suffit de ma rage ;

D’elle j’aurai la force ainsi que le courage ;

Et déjà, dépouillant tout naturel humain,

Je laisse à ses transports à gouverner ma main.

Vois-tu comme, suivant de si furieux guides,

Elle cherche déjà les yeux de ces perfides,

Et comme de fureur tous mes sens animés

Menacent les appas qui les avaient charmés ?

Dorise
Modère ces bouillons d’une âme colérée,

Ils sont trop violents pour être de durée ;

Pour faire quelque mal, c’est frapper de trop loin.

Réserve ton courroux tout entier au besoin ;

Sa plus forte chaleur se dissipe en paroles,

Ses résolutions en deviennent plus molles :

En lui donnant de l’air, son ardeur s’alentit.

Caliste
Ce n’est que faute d’air que le feu s’amortit.

Allons, et tu verras qu’ainsi le mien s’allume,

Que ma douleur aigrie en a plus d’amertume,

Et qu’ainsi mon esprit ne fait que s’exciter

À ce que ma colère a droit d’exécuter.

Dorise , seule.
Si ma ruse est enfin de son effet suivie,

Cette aveugle chaleur te va coûter la vie :

Un fer caché me donne en ces lieux écartés

La vengeance des maux que me font tes beautés.

Tu m’ôtes Rosidor, tu possèdes son âme :

Il n’a d’yeux que pour toi, que mépris pour ma flamme ;

Mais puisque tous mes soins ne le peuvent gagner,

J’en punirai l’objet qui m’en fait dédaigner.

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