Caliste, Dorise
Caliste
Je n’en puis plus douter, mon feu désabusé
Ne tient plus le parti de ce cœur déguisé.
Allons, ma chère sœur, allons à la vengeance,
Allons de ses douceurs tirer quelque allégeance ;
Allons, et sans te mettre en peine de m’aider,
Ne prends aucun souci que de me regarder.
Pour en venir à bout, il suffit de ma rage ;
D’elle j’aurai la force ainsi que le courage ;
Et déjà, dépouillant tout naturel humain,
Je laisse à ses transports à gouverner ma main.
Vois-tu comme, suivant de si furieux guides,
Elle cherche déjà les yeux de ces perfides,
Et comme de fureur tous mes sens animés
Menacent les appas qui les avaient charmés ?
Dorise
Modère ces bouillons d’une âme colérée,
Ils sont trop violents pour être de durée ;
Pour faire quelque mal, c’est frapper de trop loin.
Réserve ton courroux tout entier au besoin ;
Sa plus forte chaleur se dissipe en paroles,
Ses résolutions en deviennent plus molles :
En lui donnant de l’air, son ardeur s’alentit.
Caliste
Ce n’est que faute d’air que le feu s’amortit.
Allons, et tu verras qu’ainsi le mien s’allume,
Que ma douleur aigrie en a plus d’amertume,
Et qu’ainsi mon esprit ne fait que s’exciter
À ce que ma colère a droit d’exécuter.
Dorise
, seule.
Si ma ruse est enfin de son effet suivie,
Cette aveugle chaleur te va coûter la vie :
Un fer caché me donne en ces lieux écartés
La vengeance des maux que me font tes beautés.
Tu m’ôtes Rosidor, tu possèdes son âme :
Il n’a d’yeux que pour toi, que mépris pour ma flamme ;
Mais puisque tous mes soins ne le peuvent gagner,
J’en punirai l’objet qui m’en fait dédaigner.