Scène VIII

Chrysante, Hippolyte

Chrysante
Devinerais-tu bien quels étaient nos discours ?

Hippolyte
Il vous parlait d’amour peut-être ?

Chrysante
Oui : que t’en semble ?

Hippolyte
D’âge presque pareils, vous seriez bien ensemble.

Chrysante
Tu me donnes vraiment un gracieux détour ;

C’était pour ton sujet qu’il me parlait d’amour.

Hippolyte
Pour moi ? Ces jours passés, un poète qui m’adore,

Du moins à ce qu’il dit, m’égalait à l’Aurore ;

Je me raillais alors de sa comparaison.

Mais, si cela se fait, il avait bien raison.

Chrysante
Avec tout ce babil, tu n’es qu’une étourdie.

Le bonhomme est bien loin de cette maladie ;

Il veut te marier, mais c’est à Dorimant :

Vois si tu te résous d’accepter cet amant.

Hippolyte
Dessus tous mes désirs vous êtes absolue,

Et si vous le voulez, m’y voilà résolue.

Dorimant vaut beaucoup, je vous le dis sans fard ;

Mais remarquez un peu le trait de ce vieillard :

Lysandre si longtemps a brûlé pour sa fille,

Qu’il en faisait déjà l’appui de sa famille ;

À présent que ses feux ne sont plus que pour moi,

Il voudrait bien qu’un autre eût engagé ma foi,

Afin que sans espoir dans cette amour nouvelle,

Un nouveau changement le ramenât vers elle.

N’avez-vous point pris garde, en vous disant adieu,

Qu’il a presque arraché Lysandre de ce lieu ?

Chrysante
Simple ! ce qu’il en fait, ce n’est qu’à sa prière.

Et Lysandre tient même à faveur singulière…

Hippolyte
Je sais que Dorimant est un de ses amis ;

Mais vous voyez d’ailleurs que le ciel a permis

Que pour mieux vous montrer que tout n’est qu’artifice,

Lysandre me faisait ses offres de service.

Chrysante
Aucun des deux n’est homme à se jouer de nous.

Quelque secret mystère est caché là-dessous.

Allons, pour en tirer la vérité plus claire,

Seules dedans ma chambre examiner l’affaire ;

Ici quelque importun pourrait nous aborder.

Share on Twitter Share on Facebook