Scène première

Angélique, Polymas

Angélique, tenant une lettre ouverte.
De cette trahison ton maître est donc l’auteur ?

Polymas
Assez imprudemment il m’en fait le porteur.

Comme il se rend par là digne qu’on le prévienne,

Je veux bien en faire une en haine de la sienne ;

Et mon devoir, mal propre à de si lâches coups,

Manque aussitôt vers lui que son amour vers vous.

Angélique
Contre ce que je vois le mien encor s’obstine.

Qu’Alidor ait écrit cette lettre à Clarine !

Et qu’ainsi d’Angélique il se voulût jouer !

Polymas
Il n’aura pas le front de le désavouer.

Opposez-lui ces traits, battez-le de ses armes ;

Pour s’en pouvoir défendre il lui faudrait des charmes ;

Mais surtout cachez-lui ce que je fais pour vous,

Et ne m’exposez point aux traits de son courroux ;

Que je vous puisse encor trahir son artifice,

Et pour mieux vous servir, rester à son service.

Angélique
Rien ne m’échappera qui te puisse toucher ;

Je sais ce qu’il faut dire, et ce qu’il faut cacher.

Polymas
Feignez d’avoir reçu ce billet de Clarine,

Et que…

Angélique
Ne m’instruis point, et va, qu’il ne devine.

Polymas
Mais…

Angélique
Ne réplique plus, et va-t’en.

Polymas
J’obéis.

Angélique , seule.
Mes feux, il est donc vrai que l’on vous a trahis ?

Et ceux dont Alidor montrait son âme atteinte

Ne sont plus que fumée, ou n’étaient qu’une feinte ?

Que la foi des amants est un gage pipeur !

Que leurs serments sont vains, et notre espoir trompeur !

Qu’on est peu dans leur cœur pour être dans leur bouche !

Et que malaisément on sait ce qui les touche !

Mais voici l’infidèle. Ah ! qu’il se contraint bien !

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