Florame
Jamais ne verrai-je finie
Cette incommode affection,
Dont l’impitoyable manie
Tyrannise ma passion ?
Je feins, et je fais naître un feu si véritable,
Qu’à force d’être aimé je deviens misérable.
Toi qui m’assièges tout le jour,
Fâcheuse cause de ma peine,
Amarante, de qui l’amour
Commence à mériter ma haine,
Cesse de te donner tant de soins superflus ;
Je te voudrai du bien de ne m’en vouloir plus.
Dans une ardeur si violente,
Près de l’objet de mes désirs,
Penses-tu que je me contente
D’un regard et de deux soupirs ?
Et que je souffre encor cet injuste partage
Où tu tiens mes discours, et Daphnis mon courage ?
Si j’ai feint pour toi quelques feux,
C’est à quoi plus rien ne m’oblige :
Quand on a l’effet de ses vœux,
Ce qu’on adorait se néglige.
Je ne voulais de toi qu’un accès chez Daphnis :
Amarante, je l’ai ; mes amours sont finis.
Théante, reprends ta maîtresse ;
N’ôte plus à mes entretiens
L’unique sujet qui me blesse,
Et qui peut-être est las des tiens.
Et toi, puissant Amour, fais enfin que j’obtienne
Un peu de liberté pour lui donner la mienne !