Scène II

Florame
Jamais ne verrai-je finie

Cette incommode affection,

Dont l’impitoyable manie

Tyrannise ma passion ?

Je feins, et je fais naître un feu si véritable,

Qu’à force d’être aimé je deviens misérable.

Toi qui m’assièges tout le jour,

Fâcheuse cause de ma peine,

Amarante, de qui l’amour

Commence à mériter ma haine,

Cesse de te donner tant de soins superflus ;

Je te voudrai du bien de ne m’en vouloir plus.

Dans une ardeur si violente,

Près de l’objet de mes désirs,

Penses-tu que je me contente

D’un regard et de deux soupirs ?

Et que je souffre encor cet injuste partage

Où tu tiens mes discours, et Daphnis mon courage ?

Si j’ai feint pour toi quelques feux,

C’est à quoi plus rien ne m’oblige :

Quand on a l’effet de ses vœux,

Ce qu’on adorait se néglige.

Je ne voulais de toi qu’un accès chez Daphnis :

Amarante, je l’ai ; mes amours sont finis.

Théante, reprends ta maîtresse ;

N’ôte plus à mes entretiens

L’unique sujet qui me blesse,

Et qui peut-être est las des tiens.

Et toi, puissant Amour, fais enfin que j’obtienne

Un peu de liberté pour lui donner la mienne !

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