Scène IX

Amarante
Pour peu savant qu’on soit aux mouvements de l’âme,

On devine aisément qu’elle en veut à Florame.

Sa fermeté pour moi, que je vantais à faux,

Lui portait dans l’esprit de terribles assauts.

Sa surprise à ce mot a paru manifeste,

Son teint en a changé, sa parole, son geste :

L’entretien que j’en ai lui semblerait bien doux ;

Et je crois que Théante en est le moins jaloux.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je m’en suis doutée.

Être toujours des yeux sur un homme arrêtée,

Dans son manque de biens déplorer son malheur,

Juger à sa façon qu’il a de la valeur,

Demander si l’esprit en répond à la mine,

Tout cela de ses feux eût instruit la moins fine.

Florame en est de même, il meurt de lui parler ;

Et s’il peut d’avec moi jamais se démêler,

C’en est fait, je le perds. L’impertinente crainte !

Que m’importe de perdre une amitié si feinte ?

Et que me peut servir un ridicule feu,

Où jamais de son cœur sa bouche n’a l’aveu ?

Je m’en veux mal en vain ; l’amour a tant de force

Qu’il attache mes sens à cette fausse amorce,

Et fera son possible à toujours conserver

Ce doux extérieur dont on me veut priver.

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