Scène VIII

Clarice , dans son jardin
Chers confidents de mes désirs,

Beaux lieux, secrets témoins de mon inquiétude,

Ce n’est plus avec des soupirs

Que je viens abuser de votre solitude ;

Mes tourments sont passés,

Mes vœux sont exaucés,

La joie aux maux succède :

Mon sort en ma faveur change sa dure loi,

Et pour dire en un mot le bien que je possède,

Mon Philiste est à moi.

En vain nos inégalités

M’avaient avantagée à mon désavantage.

L’amour confond nos qualités,

Et nous réduit tous deux sous un même esclavage.

L’aveugle outrecuidé

Se croirait mal guidé

Par l’aveugle fortune ;

Et son aveuglement par miracle fait voir

Que quand il nous saisit, l’autre nous importune,

Et n’a plus de pouvoir.

Cher Philiste, à présent tes yeux,

Que j’entendais si bien sans les vouloir entendre,

Et tes propos mystérieux,

Par leurs rusés détours n’ont plus rien à m’apprendre.

Notre libre entretien

Ne dissimule rien ;

Et ces respects farouches

N’exerçant plus sur nous de secrètes rigueurs,

L’amour est maintenant le maître de nos bouches

Ainsi que de nos cœurs.

Qu’il fait bon avoir enduré !

Que le plaisir se goûte au sortir des supplices !

Et qu’après avoir tant duré,

La peine qui n’est plus augmente nos délices !

Qu’un si doux souvenir

M’apprête à l’avenir

D’amoureuses tendresses !

Que mes malheurs finis auront de volupté !

Et que j’estimerai chèrement ces caresses

Qui m’auront tant coûté !

Mon heur me semble sans pareil ;

Depuis qu’en liberté notre amour m’en assure,

Je ne crois pas que le soleil…

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