Clarice
, dans son jardin
Chers confidents de mes désirs,
Beaux lieux, secrets témoins de mon inquiétude,
Ce n’est plus avec des soupirs
Que je viens abuser de votre solitude ;
Mes tourments sont passés,
Mes vœux sont exaucés,
La joie aux maux succède :
Mon sort en ma faveur change sa dure loi,
Et pour dire en un mot le bien que je possède,
Mon Philiste est à moi.
En vain nos inégalités
M’avaient avantagée à mon désavantage.
L’amour confond nos qualités,
Et nous réduit tous deux sous un même esclavage.
L’aveugle outrecuidé
Se croirait mal guidé
Par l’aveugle fortune ;
Et son aveuglement par miracle fait voir
Que quand il nous saisit, l’autre nous importune,
Et n’a plus de pouvoir.
Cher Philiste, à présent tes yeux,
Que j’entendais si bien sans les vouloir entendre,
Et tes propos mystérieux,
Par leurs rusés détours n’ont plus rien à m’apprendre.
Notre libre entretien
Ne dissimule rien ;
Et ces respects farouches
N’exerçant plus sur nous de secrètes rigueurs,
L’amour est maintenant le maître de nos bouches
Ainsi que de nos cœurs.
Qu’il fait bon avoir enduré !
Que le plaisir se goûte au sortir des supplices !
Et qu’après avoir tant duré,
La peine qui n’est plus augmente nos délices !
Qu’un si doux souvenir
M’apprête à l’avenir
D’amoureuses tendresses !
Que mes malheurs finis auront de volupté !
Et que j’estimerai chèrement ces caresses
Qui m’auront tant coûté !
Mon heur me semble sans pareil ;
Depuis qu’en liberté notre amour m’en assure,
Je ne crois pas que le soleil…