Alcidon, Célidan, Philiste
Alcidon
met l’épée à la main.
Philiste, à la bonne heure, un miracle visible
T’a rendu maintenant à l’honneur plus sensible,
Puisqu’ainsi tu m’attends les armes à la main.
J’admire avec plaisir ce changement soudain,
Et vais…
Célidan
Ne pense pas ainsi…
Alcidon
Laisse-nous faire ;
C’est en homme de cœur qu’il me va satisfaire.
Crains-tu d’être témoin d’une bonne action ?
Philiste
Dieux ! ce comble manquait à mon affliction.
Que j’éprouve en mon sort une rigueur cruelle !
Ma maîtresse perdue, un ami me querelle.
Alcidon
Ta maîtresse perdue !
Philiste
Hélas ! hier, des voleurs…
Alcidon
Je n’en veux rien savoir, va le conter ailleurs ;
Je ne prends point de part aux intérêts d’un traître ;
Et puisqu’il est ainsi, le ciel fait bien connaître
Que son juste courroux a soin de me venger.
Philiste
Quel plaisir, Alcidon, prends-tu de m’outrager ?
Mon amitié se lasse, et ma fureur m’emporte ;
Mon âme pour sortir ne cherche qu’une porte.
Ne me presse donc plus dans un tel désespoir :
J’ai déjà fait pour toi par-delà mon devoir.
Te peux-tu plaindre encor de ta place usurpée ?
J’ai renvoyé Géron à coups de plat d’épée ;
J’ai menacé Florange, et rompu les accords
Qui t’avaient su causer ces violents transports.
Alcidon
Entre des cavaliers une offense reçue
Ne se contente point d’une si lâche issue ;
Va m’attendre…
Célidan
, à Alcidon.
Arrêtez, je ne permettrai pas
Qu’un si funeste mot termine vos débats.
Philiste
Faire ici du fendant tandis qu’on nous sépare,
C’est montrer un esprit lâche autant que barbare.
Adieu, mauvais, adieu : nous nous pourrons trouver ;
Et si le cœur t’en dit, au lieu de tant braver,
J’apprendrai seul à seul, dans peu, de tes nouvelles.
Mon honneur souffrirait des taches éternelles
À craindre encor de perdre une telle amitié.