Scène III

Alcidon, Célidan, Philiste

Alcidon met l’épée à la main.
Philiste, à la bonne heure, un miracle visible

T’a rendu maintenant à l’honneur plus sensible,

Puisqu’ainsi tu m’attends les armes à la main.

J’admire avec plaisir ce changement soudain,

Et vais…

Célidan
Ne pense pas ainsi…

Alcidon
Laisse-nous faire ;

C’est en homme de cœur qu’il me va satisfaire.

Crains-tu d’être témoin d’une bonne action ?

Philiste
Dieux ! ce comble manquait à mon affliction.

Que j’éprouve en mon sort une rigueur cruelle !

Ma maîtresse perdue, un ami me querelle.

Alcidon
Ta maîtresse perdue !

Philiste
Hélas ! hier, des voleurs…

Alcidon
Je n’en veux rien savoir, va le conter ailleurs ;

Je ne prends point de part aux intérêts d’un traître ;

Et puisqu’il est ainsi, le ciel fait bien connaître

Que son juste courroux a soin de me venger.

Philiste
Quel plaisir, Alcidon, prends-tu de m’outrager ?

Mon amitié se lasse, et ma fureur m’emporte ;

Mon âme pour sortir ne cherche qu’une porte.

Ne me presse donc plus dans un tel désespoir :

J’ai déjà fait pour toi par-delà mon devoir.

Te peux-tu plaindre encor de ta place usurpée ?

J’ai renvoyé Géron à coups de plat d’épée ;

J’ai menacé Florange, et rompu les accords

Qui t’avaient su causer ces violents transports.

Alcidon
Entre des cavaliers une offense reçue

Ne se contente point d’une si lâche issue ;

Va m’attendre…

Célidan , à Alcidon.
Arrêtez, je ne permettrai pas

Qu’un si funeste mot termine vos débats.

Philiste
Faire ici du fendant tandis qu’on nous sépare,

C’est montrer un esprit lâche autant que barbare.

Adieu, mauvais, adieu : nous nous pourrons trouver ;

Et si le cœur t’en dit, au lieu de tant braver,

J’apprendrai seul à seul, dans peu, de tes nouvelles.

Mon honneur souffrirait des taches éternelles

À craindre encor de perdre une telle amitié.

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