Scène V

Célidan
Il me cède à mon gré Doris de bon courage ;

Et ce nouveau dessein d’un autre mariage,

Pour être fait sur l’heure, et tout nonchalamment,

Est conduit, ce me semble, assez accortement.

Qu’il en sait de moyens ! qu’il a ses raisons prêtes !

Et qu’il trouve à l’instant de prétextes honnêtes

Pour ne point rapprocher de son premier amour !

Plus j’y porte la vue, et moins j y vois de jour.

M’aurait-il bien caché le fond de sa pensée ?

Oui, sans doute, Clarice a son âme blessée ;

Il se venge en parole, et s’oblige en effet.

On ne le voit que trop, rien ne le satisfait :

Quand on lui rend Doris, il s’aigrit davantage.

Je jouerais, à ce conte, un joli personnage !

Il s’en faut éclaircir. Alcidon ruse en vain,

Tandis que le succès est encore en ma main :

Si mon soupçon est vrai, je lui ferai connaître

Que je ne suis pas homme à seconder un traître.

Ce n’est point avec moi qu’il faut faire le fin,

Et qui me veut duper en doit craindre la fin.

Il ne voulait que moi pour lui servir d’escorte,

Et si je ne me trompe, il n’ouvrit point la porte ;

Nous étions attendus, on secondait nos coups ;

La nourrice parut en même temps que nous,

Et se pâma soudain avec tant de justesse,

Que cette pâmoison nous livra sa maîtresse.

Qui lui pourrait un peu tirer les vers du nez,

Que nous verrions demain des gens bien étonnés !

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