Clarice
Las ! il m’en dit assez, si je l’osais entendre,
Et ses désirs aux miens se font assez comprendre ;
Mais pour nous déclarer une si belle ardeur,
L’un est muet de crainte, et l’autre de pudeur !
Que mon rang me déplaît ! que mon trop de fortune,
Au lieu de m’obliger, me choque et m’importune !
Égale à mon Philiste, il m’offrirait ses vœux,
Je m’entendrais nommer le sujet de ses feux,
Et ses discours pourraient forcer ma modestie
À l’assurer bientôt de notre sympathie ;
Mais le peu de rapport de nos conditions
Ôte le nom d’amour à ses submissions ;
Et sous l’injuste loi de cette retenue,
Le remède me manque, et mon mal continue.
Il me sert en esclave, et non pas en amant,
Tant son respect s’oppose à mon contentement !
Ah ! que ne devient-il un peu plus téméraire !
Que ne s’expose-t-il au hasard de me plaire !
Amour, gagne à la fin ce respect ennuyeux,
Et rends-le moins timide, ou l’ôte de mes yeux.