Scène première

Médée, Nérine

Nérine
Bien qu’un péril certain suive votre entreprise,

Assurez-vous sur moi, je vous suis toute acquise ;

Employez mon service aux flammes, au poison,

Je ne refuse rien ; mais épargnez Jason.

Votre aveugle vengeance une fois assouvie,

Le regret de sa mort vous coûterait la vie ;

Et les coups violents d’un rigoureux ennui…

Médée
Cesse de m’en parler et ne crains rien pour lui :

Ma fureur jusque-là n’oserait me séduire ;

Jason m’a trop coûté pour le vouloir détruire ;

Mon courroux lui fait grâce, et ma première ardeur

Soutient son intérêt au milieu de mon cœur.

Je crois qu’il m’aime encore, et qu’il nourrit en l’âme

Quelques restes secrets d’une si belle flamme,

Qu’il ne fait qu’obéir aux volontés d’un roi

Qui l’arrache à Médée en dépit de sa foi.

Qu’il vive, et s’il se peut, que l’ingrat me demeure ;

Sinon, ce m’est assez que sa Créuse meure ;

Qu’il vive cependant, et jouisse du jour

Que lui conserve encor mon immuable amour.

Créon seul et sa fille ont fait la perfidie !

Eux seuls termineront toute la tragédie ;

Leur perte achèvera cette fatale paix.

Nérine
Contenez-vous, madame ; il sort de son palais.

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