Scène VIII

Éraste, Philandre

Éraste

Détacher Ixion pour me mettre en sa place,

Mégères, c’est à vous une indiscrète audace.

Ai-je, avec même front que cet ambitieux,

Attenté sur le lit du monarque des cieux ?

Vous travaillez en vain, barbares Euménides :

Non, ce n’est pas ainsi qu’on punit les perfides.

Quoi ! me presser encor ? Sus, de pieds et de mains

Essayons d’écarter ces monstres inhumains.

À mon secours, esprits ! vengez-vous de vos peines !

Écrasons leurs serpents ! chargeons-les de vos chaînes !

Pour ces filles d’enfer nous sommes trop puissants.

Philandre

Il semble à ce discours qu’il ait perdu le sens.

Éraste, cher ami, quelle mélancolie

Te met dans le cerveau cet excès de folie ?

Éraste

Équitable Minos, grand juge des enfers,

Voyez qu’injustement on m’apprête des fers !

Faire un tour d’amoureux, supposer une lettre,

Ce n’est pas un forfait qu’on ne puisse remettre.

Il est vrai que Tircis en est mort de douleur,

Que Mélite après lui redouble ce malheur,

Que Chloris sans amant ne sait à qui s’en prendre ;

Mais la faute n’en est qu’au crédule Philandre ;

Lui seul en est la cause et son esprit léger,

Qui trop facilement résolut de changer ;

Car ces lettres, qu’il croit l’effet de ses mérites,

La main que vous voyez les a toutes écrites.

Philandre

Je te laisse impuni, traître ; de tels remords

Te donnent des tourments pires que mille morts :

Je t’obligerais trop de t’arracher la vie ;

Et ma juste vengeance est bien mieux assouvie

Par les folles horreurs de cette illusion.

Ah, grands dieux ! que je suis plein de confusion !

Share on Twitter Share on Facebook