Scène première

Cliton, la Nourrice

Cliton

Je ne t’ai rien celé ; tu sais toute l’affaire.

La Nourrice

Tu m’en as bien conté. Mais se pourrait-il faire

Qu’Éraste eût des remords si vifs et si pressants

Que de violenter sa raison et ses sens ?

Cliton

Eût-il pu, sans en perdre entièrement l’usage,

Se figurer Caron des traits de mon visage,

Et de plus, me prenant pour ce vieux nautonier,

Me payer à bons coups des droits de son denier ?

La Nourrice

Plaisante illusion !

Cliton

Mais funeste à ma tête,

Sur qui se déchargeait une telle tempête,

Que je tiens maintenant à miracle évident

Qu’il me soit demeuré dans la bouche une dent.

La Nourrice

C’était mal reconnaître un si rare service.

Éraste , derrière le théâtre.
Arrêtez, arrêtez, poltrons !

Cliton

Adieu, nourrice.

Voici ce fou qui vient, je l’entends à la voix ;

Crois que ce n’est pas moi qu’il attrape deux fois.

La Nourrice

Pour moi, quand je devrais passer pour Proserpine,

Je veux voir à quel point sa fureur le domine.

Cliton

Contente, à tes périls, ton curieux désir.

La Nourrice

Quoi qu’il puisse arriver, j’en aurai le plaisir.

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