Le 1er. – Le matin, en regardant du côté de la mer, à la marée basse, j’apperçus par extraordinaire sur le rivage quelque chose de gros qui ressemblait assez à un tonneau ; quand je m’en fus approché, je vis que c’était un baril et quelques débris du vaisseau qui avaient été jetés sur le rivage par le dernier ouragan. Portant alors mes regards vers la carcasse du vaisseau, il me sembla qu’elle sortait au-dessus de l’eau plus que de coutume. J’examinai le baril qui était sur la grève, je reconnus qu’il contenait de la poudre à canon, mais qu’il avait pris l’eau et que cette poudre ne formait plus qu’une masse aussi dure qu’une pierre. Néanmoins, provisoirement, je le roulai plus loin sur le rivage, et je m’avançai sur le sable le plus près possible de la coque du navire, afin de mieux la voir.
Quand je fus descendu tout proche, je trouvai sa position étonnamment changée. Le château de proue, qui d’abord était enfoncé dans le sable, était alors élevé de six pieds au moins, et la poupe, que la violence de la mer avait brisée et séparée du reste peu de temps après que j’y eus fait mes dernières recherches, avait lancée, pour ainsi dire, et jetée sur le côté. Le sable s’était tellement amoncelé près de l’arrière, que là où auparavant une grande étendue d’eau m’empêchait d’approcher à plus d’un quart de mille sans me mettre à la nage, je pouvais marcher jusqu’au vaisseau quand la marée était basse. Je fus d’abord surpris de cela, mais bientôt je conclus que le tremblement de terre devait en être la cause ; et, comme il avait augmenté le bris du vaisseau, chaque jour il venait au rivage quantité de choses que la mer avait détachées, et que les vents et les flots roulaient par degrés jusqu’à terre.
Ceci vint me distraire totalement de mon dessein de changer d’habitation, et ma principale affaire, ce jour-là, fut de chercher à pénétrer dans le vaisseau : mais je vis que c’était une chose que je ne devais point espérer, car son intérieur était encombré de sable. Néanmoins, comme j’avais appris à ne désespérer de rien, je résolus d’en arracher par morceaux ce que je pourrais, persuadé que tout ce que j’en tirerais me serait de quelque utilité.