IX.

Né en 1040, Motamid, âgé de onze ou douze ans seulement, avait été nommé par son père au gouvernement de Huelva, et, peu de temps après, il avait commandé l’armée sévillane qui assiégeait Silves. Ce fut à cette occasion qu’il fit la connaissance d’un aventurier qui ne comptait que neuf ans de plus que lui et qui était appelé à jouer un rôle considérable dans sa destinée.

Il s’appelait Ibn-Ammâr. Né dans un hameau aux environs de Silves, de parents arabes, mais pauvres et obscurs, il avait commencé par étudier les belles lettres à Silves et à Cordoue; puis il s’était mis à parcourir l’Espagne, afin de gagner le pain du jour en composant des panégyriques pour tous ceux qui étaient en état de les payer; car, tandis que les poètes en renom auraient cru déroger, s’ils eussent composé des poèmes pour d’autres que pour des princes ou des vizirs, ce pauvre jeune homme inconnu et mal habillé, qui excitait l’hilarité des uns et la pitié des autres par sa longue pelisse et sa petite calotte, s’estimait heureux si quelque parvenu enrichi daignait lui jeter les miettes de sa table en échange de ses vers, qui pourtant avaient du mérite. Un jour il arriva à Silves dans un moment de gêne excessive, n’ayant que son mulet et ne sachant comment faire pour nourrir ce fidèle compagnon de ses misères. Heureusement il se souvint d’un homme fort à même de le seconder, s’il le voulait, d’un riche négociant de la ville, qui, à défaut de connaissances littéraires, avait du moins assez de vanité pour goûter une ode composée à sa louange. Le pauvre poète en écrivit une, la lui envoya et lui fit connaître sa détresse. Flatté dans son amour-propre, le négociant lui fit parvenir un sac d’orge. En recevant ce présent assez chétif, Ibn-Ammâr se disait bien que le marchand aurait pu lui envoyer tout aussi bien un sac de froment; mais il n’en fut pas moins fort joyeux, et nous verrons que dans la suite il sut se montrer reconnaissant envers son bienfaiteur.

Le talent poétique d’Ibn-Ammâr ne tarda pas à être connu et lui valut l’honneur d’être présenté à Motamid. Il lui plut extrêmement, et comme ils aimaient tous les deux les plaisirs, les aventures de toute sorte et surtout les beaux vers, une amitié intime s’établit bientôt entre eux. Aussi, dès que Silves eut été pris et que Motamid en eut été nommé gouverneur, il s’empressa de créer un vizirat pour son ami et lui abandonna le gouvernement de la province[115].

Les beaux jours passés à Silves, ce séjour enchanteur où tout le monde était poète alors[116] et que l’on appelle encore aujourd’hui le paradis du Portugal, ne s’effacèrent jamais du souvenir de Motamid. Son cœur ne s’était pas encore ouvert à l’amour; quelques vives fantaisies s’étaient bien emparées de son imagination, mais elles s’étaient évanouies sans lui avoir apporté des jouissances durables[117]. Pour lui c’était le temps de l’amitié enthousiaste, et il s’abandonnait à ce sentiment sans arrière-pensée, avec toute la fougue de son âge. Quant à Ibn-Ammâr, n’ayant pas été élevé comme le prince au sein de l’opulence, du luxe et du bonheur; ayant connu au contraire, dès le matin de la vie, les luttes, le découragement, les cruelles déceptions et l’indigence, son imagination était moins fraîche, moins riante, moins jeune; il ne pouvait se défendre d’une certaine ironie, il était déjà sceptique sur bien des points.... Un jour de vendredi les deux amis se rendaient à la mosquée, lorsque Motamid, entendant le moëzzin annoncer l’heure de la prière, improvisa ce vers, en priant Ibn-Ammâr d’y ajouter un second sur le même mètre et la même rime:

—Voici le moëzzin qui annonce l’heure de la prière;

—En le faisant, il espère que Dieu lui pardonnera ses nombreux péchés, répliqua Ibn-Ammâr.

—Qu’il soit heureux, puisqu’il porte témoignage à la vérité, continua le prince;

—Pourvu, toutefois, qu’il croie dans son cœur ce qu’il dit avec sa langue, répliqua en souriant le vizir[118].

Chose étrange, mais qu’on s’explique cependant quand on songe qu’il avait appris de bonne heure à connaître les hommes et à se méfier d’eux: Ibn-Ammâr doutait même de l’amitié, si tendre et si illimitée pourtant, que lui portait le jeune prince; il avait beau faire, il ne pouvait chasser les sombres pressentiments qui maintefois venaient obséder son esprit, surtout pendant les festins, car il avait le vin triste. On raconte à ce sujet une aventure singulière et bizarre à coup sûr, mais qui néanmoins semble vraie, car ce récit repose sur les témoignages les plus respectables en ce cas, ceux de Motamid et d’Ibn-Ammâr eux-mêmes. Un soir, dit-on, Motamid avait invité Ibn-Ammâr à un souper. Il l’avait choyé plus encore que de coutume, et quand les autres convives se retirèrent, il le conjura de rester et de partager son lit. Le vizir céda à ses instances; mais à peine endormi, il entendit une voix qui lui dit: «Malheureux, il te tuera un jour!» Saisi de frayeur, Ibn-Ammâr s’éveilla en sursaut; mais tâchant de chasser de son cerveau ces noires idées qu’il attribuait aux fumées du vin, il parvint enfin à se rendormir. Cependant il entendit ces sinistres paroles pour la seconde, pour la troisième fois. N’y tenant plus alors, et convaincu que c’était un avertissement surnaturel, il se leva sans faire de bruit, et, s’étant enveloppé le corps d’une natte, il alla se blottir dans un coin du portique, résolu à s’évader aussitôt que les portes du palais s’ouvriraient, car il voulait gagner un port de mer et s’embarquer pour l’Afrique.

Cependant Motamid, s’étant éveillé à son tour et ne trouvant pas son ami à ses côtés, poussa un cri d’alarme qui fit accourir tous ses serviteurs. On se mit à fouiller, à fureter le palais en tous sens. Motamid lui-même dirigeait les recherches. Voulant examiner si la porte avait été ouverte, il arriva dans le portique où Ibn-Ammâr se tenait caché. Celui-ci se trahit par un mouvement involontaire, au moment même où les regards du prince s’arrêtaient sur la natte dont il s’était enveloppé. «Qu’est-ce qui remue donc sous cette natte?» s’écria Motamid, et, les serviteurs y courant tous pour la fouiller, Ibn-Ammâr se montra dans le plus piteux état du monde, n’ayant pour tout vêtement qu’un caleçon, tremblant de tous ses membres, et rougissant de honte sans qu’il osât lever les yeux. A sa vue, Motamid fondit en pleurs. «O Abou-Becr, s’écria-t-il, qu’as-tu donc pour agir ainsi?» Puis, voyant que son ami tremblait toujours, il l’entraîna doucement dans sa chambre, où il tâcha de tirer de lui le secret de son étrange conduite. Il demeura longtemps sans y réussir. En proie à un violent paroxysme nerveux, partagé entre le ridicule de sa position et la peur, Ibn-Ammâr pleurait et riait à la fois. S’étant calmé enfin, il avoua tout. Motamid ne fit que rire de sa confession. «Cher ami, dit-il en lui serrant affectueusement la main, les vapeurs du vin t’ont offusqué le cerveau et tu as eu le cauchemar, voilà tout. Crois-tu donc que je serais jamais en état de te tuer, toi, mon âme, toi, ma vie? Mais ce serait commettre un suicide! Et maintenant, tâche d’oublier ces vilains rêves et n’en parlons plus.»

«Ibn-Ammâr, dit un historien arabe, essaya en effet d’oublier cette aventure et y réussit; mais à la fin, nombre de jours et de nuits s’étant écoulés dans l’intervalle, il lui arriva ce que nous raconterons plus tard[119]

Quand les deux amis n’étaient pas à Silves, ils étaient à Séville, où ils se livraient aux plaisirs de toute sorte qu’offrait cette brillante et délicieuse capitale. Souvent ils allaient, sous un déguisement quelconque, à la Prairie d’argent, sur les bords du Guadalquivir, où le peuple, hommes et femmes, venait chercher ses divertissements. C’est là que Motamid rencontra pour la première fois celle qui était destinée à devenir la compagne de sa vie. Se promenant un soir avec son ami dans la Prairie d’argent, il arriva que la brise effleura l’eau de la rivière, et que Motamid improvisa ce vers, après avoir prié Ibn-Ammâr d’y ajouter un second:

La brise a converti l’eau en cuirasse....

Mais Ibn-Ammâr ne trouvant pas instantanément une réplique, une jeune fille du peuple qui se trouvait dans leur voisinage, la donna ainsi:

Cuirasse magnifique, en effet, un jour de combat, pourvu que l’eau se fût congelée.

Emerveillé d’entendre une jeune fille improviser plus promptement qu’Ibn-Ammâr, fort renommé cependant pour ce talent, Motamid la regarda avec attention. Il fut frappé de sa beauté, et appelant aussitôt un eunuque qui le suivait à quelque distance, il lui ordonna de conduire l’improvisatrice à son palais, vers lequel il se hâta de retourner.

Quand la jeune fille fut arrivée en sa présence, il lui demanda qui elle était et quel était son état.

—Je me nomme Itimâd, répondit-elle; ordinairement on m’appelle Romaiquia, car je suis esclave de Romaic, et quant à ma profession, je suis muletière.

—Dites-moi, êtes-vous mariée?

—Non, mon prince.

—Tant mieux alors, car je vais vous acheter de votre maître et vous épouser[120].

Pendant toute sa vie, Motamid aima Romaiquia d’un amour inaltérable. Elle avait tout pour lui plaire. On la comparait parfois à Wallâda, de Cordoue, la Sapho de ce temps-là. Cette comparaison, juste sous certains rapports, ne l’était pas sous d’autres. N’ayant pas reçu une éducation soignée, Romaiquia ne pouvait rivaliser avec Wallâda en savoir; mais elle ne lui était pas inférieure pour la conversation spirituelle, les bons mots, les heureuses et naïves saillies, les répliques vives et ingénieuses, et la surpassait peut-être par ses grâces naturelles et presque enfantines, son enjouement et son espièglerie[121]. Ses caprices et ses fantaisies faisaient le bonheur et le désespoir de son époux, obligé de les satisfaire à tout prix, car une fois qu’elle s’était mis une idée dans la tête, rien ne pouvait l’y faire renoncer. Un jour, au mois de février, elle regarda, de l’embrasure d’une fenêtre du palais à Cordoue, tomber des flocons de neige, spectacle assez rare dans ce pays où il n’y a presque pas d’hiver. Tout à coup elle se mit à pleurer.

—Qu’as-tu donc, ma chère amie? lui demanda son mari.

—Ce que j’ai? lui répondit-elle en sanglotant; j’ai que tu es un barbare, un tyran, un monstre! Vois donc comme c’est joli la neige, comme c’est beau, comme c’est magnifique, comme ces moelleux flocons s’attachent gentiment aux branches des arbres; et toi, ingrat que tu es, tu ne songes pas seulement à me procurer ce superbe spectacle chaque hiver; jamais tu n’as eu l’idée de m’emmener dans quelque pays où il tombe toujours de la neige!

—Ne te désespère pas ainsi, ma vie, mon bien, lui répondit le prince en essuyant les larmes qui sillonnaient ses joues; tu auras ta neige chaque hiver, et ici même, je t’en réponds.

Et il ordonna de planter des amandiers sur toute la Sierra de Cordoue, afin que les blanches fleurs de ces beaux arbres qui fleurissent dès que les gelées sont passées, remplaçassent pour Romaiquia les flocons de neige qu’elle avait tant admirés[122].

Une autre fois elle vit des femmes du peuple qui pétrissaient de leurs pieds nus le limon dont on voulait faire des briques, et se mit à pleurer. Son mari lui ayant demandé la cause de son chagrin:

—Ah! je suis bien malheureuse, lui dit-elle, depuis le jour où m’arrachant à la vie joyeuse et libre que je menais dans ma masure, tu m’as enfermée dans ce triste palais et chargée des lourdes chaînes de l’étiquette! Regarde donc ces femmes, là-bas, au bord de la rivière! Je voudrais comme elles pétrir le limon de mes pieds nus, mais, hélas! condamnée par toi à être riche et sultane, je ne le puis pas!

—Si fait, tu le pourras, lui répondit le prince en souriant.

Et à l’instant même il descendit dans la cour du palais et y fit apporter une énorme quantité de sucre, de cannelle, de gingembre et de parfumeries de toute espèce; puis, la cour étant entièrement couverte de ces ingrédients précieux, il les fit mouiller d’eau rose et pétrir à force de bras, si bien qu’ils formèrent une espèce de limon. Tout cela fait:

—Veuille descendre dans la cour avec tes suivantes, dit le prince à Romaiquia; le limon t’y attend.

La sultane y alla, et, s’étant déchaussée de même que ses suivantes, toutes se mirent à plonger leurs pieds, avec une gaîté folâtre, dans ce limon aromatique.

C’était là une fantaisie bien dispendieuse; aussi Motamid savait-il la rappeler au besoin à sa capricieuse épouse dont les désirs ne connaissaient pas de bornes. Un jour, ayant demandé une chose que le prince ne pouvait lui accorder:

—Ah! je suis bien à plaindre, s’écria-t-elle. Décidément je suis la plus malheureuse des femmes, car je prends Dieu à témoin que jamais tu n’as fait la moindre chose pour me plaire.

—Pas même le jour du limon? lui demanda Motamid d’une voix douce et tendre.

Romaiquia rougit et n’insista pas davantage[123].

Force nous est d’ajouter que les ministres de la religion ne prononçaient jamais le nom de cette sémillante sultane qu’avec une sainte horreur. Ils la considéraient comme le plus grand obstacle à la conversion de son mari, sans cesse entraîné par elle, disaient-ils, dans un tourbillon de plaisirs et de voluptés, et si les mosquées étaient désertes le vendredi, ils en imputaient la faute à elle. Romaiquia riait de leurs clameurs; insouciante et étourdie, elle ne soupçonnait pas, la pauvrette, que ces hommes deviendraient redoutables un jour![124]

Au reste, malgré son amour, Motamid continuait d’accorder à Ibn-Ammâr une large place dans son cœur. Une fois, étant loin de Romaiquia avec son ami, il lui écrivit une lettre dans laquelle il fit entrer ces six vers acrostiches:

Invisible à mes yeux, tu es toujours présente à mon cœur.

Ton bonheur puisse-t-il être infini comme le sont mes soucis, mes larmes et mes insomnies!

Impatient du frein quand d’autres femmes veulent me l’imposer, je me soumets docilement à tes moindres souhaits.

Mon vœu de chaque instant, c’est d’être à tes côtés. Ah! puisse-t-il être exaucé bientôt!

Amie de mon cœur, pense à moi et ne m’oublie pas, quelque longue que soit l’absence!

Doux nom que le tien! Je viens de l’écrire, je viens de tracer ces lettres chéries: Itimâd [125].

Il termina sa lettre par ces mots: «Bientôt je viendrai te revoir, pourvu, toutefois, qu’Allâh et Ibn-Ammâr le veuillent bien.»

Ayant reçu connaissance de cette phrase, Ibn-Ammâr adressa ces vers à son ami:

Ah! mon prince, je n’ai jamais d’autre désir, moi, que de faire ce que vous voulez; je me laisse conduire par vous comme le voyageur nocturne se laisse guider par les éclairs éblouissants. Voulez-vous retourner auprès de celle qui vous est chère, montez alors sur un fin voilier,—je vous suis;—ou bien, sautez en selle,—je vous suis encore. Ensuite, quand, grâce à la protection divine, nous serons arrivés dans la cour de votre palais, vous me laisserez retourner seul à ma demeure, et vous-même, sans vous donner le temps de déposer votre épée, vous irez vous jeter aux pieds de la belle à la ceinture d’or; puis, rattrapant le temps perdu, vous l’embrasserez, vous la presserez contre votre poitrine, tandis que votre bouche et la sienne murmureront de douces paroles, de même que les oiseaux se répondent par des chants mélodieux au lever de l’aurore[126].

Partageant son cœur entre l’amitié et l’amour, le jeune prince menait une vie charmante; mais elle fut troublée tout à coup: son père frappa Ibn-Ammâr d’une sentence d’exil. Ce fut pour les deux amis un coup de foudre; mais qu’y faire? Motadhid était inébranlable dans ses résolutions une fois prises. Ibn-Ammâr passa dans le Nord, et notamment à Saragosse, les tristes années de son exil, jusqu’à ce que Motamid, qui comptait alors vingt-neuf ans, succédât à son père[127]. Le prince s’empressa de rappeler auprès de lui l’ami de son adolescence, et lui laissa le choix entre les divers emplois du royaume. Ibn-Ammâr se décida pour le gouvernement de la province où il était né. Bien qu’il le vît à regret s’éloigner de sa personne, Motamid lui accorda néanmoins sa demande[128]; mais au moment où son ami lui disait adieu, les charmants souvenirs de son séjour à Silves et toutes ces premières émotions qui ne laissent aucune amertume dans le cœur se ranimaient en lui, et il improvisa ces vers:

Salue à Silves les endroits chéris que tu sais, ô Abou-Becr, et demande-leur s’ils ont gardé mon souvenir. Salue surtout le Charâdjîb, ce superbe palais dont les salles sont remplies de lions et de blanches beautés, de sorte que l’on se croirait tantôt dans un antre, tantôt dans un sérail[129], et dis-lui qu’il y a ici un jeune chevalier qui en tout temps brûle du désir de le revoir. Que de nuits n’ai-je pas passées là, à côté d’une jeune beauté aux larges hanches, à la mince ceinture! Que de fois les jeunes filles blanches ou cuivrées m’y ont percé le cœur de leurs doux regards, comme si leurs yeux eussent été des épées ou des lances! Que de nuits n’ai-je pas passées aussi dans le vallon au bord de la rivière avec la belle chanteuse dont le bracelet ressemblait à la lune dans son croissant! Elle m’enivrait de toutes les manières, tantôt de ses regards, tantôt du vin qu’elle m’offrait, tantôt, enfin, de ses baisers. Puis, quand elle jouait sur sa guitare un air guerrier, je croyais entendre le cliquetis des épées et me sentais saisi d’une ardeur martiale. Délicieux moment surtout que celui où, ayant ôté sa robe, elle m’apparut svelte et flexible comme un rameau de saule! «La fleur, me disais-je alors, est sortie du bouton[130]

Ibn-Ammâr fit son entrée dans Silves entouré d’un cortége superbe et avec une pompe telle que Motamid lui-même, quand il était gouverneur de la province, n’en avait jamais déployé une pareille; mais il se fit pardonner cette bouffée d’orgueil par un noble acte de reconnaissance, car, ayant appris que le négociant qui l’avait secouru dans sa détresse alors qu’il n’était encore qu’un pauvre poète ambulant, vivait encore, il lui envoya un sac rempli de pièces d’argent. Ce sac était celui-là même que le négociant lui avait fait parvenir rempli d’orge; Ibn-Ammâr l’avait soigneusement conservé. Pourtant il ne dissimula point à son ancien bienfaiteur qu’il avait trouvé son présent un peu mesquin, car il lui fit dire ces paroles: «Si autrefois vous nous eussiez envoyé ce sac rempli de froment, nous vous l’aurions renvoyé rempli d’or[131]

Il ne resta pas longtemps à Silves. Ne pouvant vivre sans lui, Motamid le rappela à la cour, après l’avoir nommé premier ministre[132].

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