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En même temps que Gunther félicitait sa sœur de son accouchement, il invita Lyderic à venir le voir avec Chrimhilde aussitôt qu’elle pourrait supporter le voyage, lui disant qu’il avait des choses de la plus haute importance à lui communiquer.

Lyderic communiqua la lettre à sa femme : elle avait de son côté grand désir de revoir son frère, de sorte que, comme, grâce à son bon naturel, elle avait oublié l’orgueilleux accueil de la reine Brunehilde, elle fut la première à l’inviter à revenir passer quelque temps à la cour du roi Gunther. Quant à la vieille princesse, elle eut bien quelque peine d’abord à donner son consentement à cette nouvelle absence, mais on lui promit de lui laisser son petit-fils, ce qui la détermina à ne plus s’opposer au départ de Lyderic et de Chrimhilde, qu’elle aimait maintenant à l’égal d’une fille.

Le comte de Flandre, au reste, s’était d’autant plus facilement déterminé à laisser son fils à la vieille princesse, que Gunther ne lui ayant pas même dit dans sa lettre que Brunehilde fût enceinte, il craignait de lui inspirer des regrets plus vifs encore en lui rappelant sans cesse par la vue de son enfant qu’il avait été plus heureux que lui.

Lyderic et Chrimhilde partirent donc seuls pour la capitale des Higlands.

Ils furent reçus par Gunther avec les démonstrations de la joie la plus vive ; la fière Brunehilde elle-même parut contente de les recevoir, et, en apercevant Lyderic, son visage se couvrit d’une vive rougeur, car elle ne pouvait oublier ce baiser qui l’avait réveillée et dont elle n’avait jamais parlé à son mari.

De son côté, Lyderic avait jugé inutile de raconter à Gunther cette circonstance de son ambassade ; de sorte que Gunther attribuait la rougeur de Brunehilde à la joie qu’elle avait de revoir ses anciens amis.

Aussitôt que Lyderic et Gunther se trouvèrent seuls, ce qui ne tarda point, car tous deux en cherchaient l’occasion, Lyderic demanda à Gunther quelles étaient les choses importantes dont il avait à l’entretenir.

Alors Gunther raconta à Lyderic une histoire étrange.

La nuit de ses noces, Brunehilde avait détaché ses jarretières ; avec l’une elle avait lié les mains de son mari, avec l’autre les pieds, et l’avait accroché à un faisceau d’armes qui était scellé dans la muraille, puis elle s’était couchée tranquillement.

Gunther alors avait voulu crier et appeler au secours ; aussitôt Brunehilde s’était relevée et l’avait si cruellement battu, que le pauvre diable avait fini par promettre qu’il se tiendrait tranquille et muet toute la nuit.

Sur cette promesse, Brunehilde s’était recouchée et avait dormi tout d’une traite jusqu’au jour.

Au jour, elle s’était réveillée, et, touchée des supplications de Gunther, elle l’avait décroché.

Depuis lors, chaque nuit, la princesse en avait usé avec lui comme la première fois, seulement elle le battait plus cruellement encore.

Il ne restait d’autre ressource à Gunther que de se sauver le soir dans une pièce voisine de la chambre nuptiale, et de s’y barricader à double tour.

Telles étaient les choses importantes que Gunther avait à confier à son ami Lyderic.

Ce ne fut pas sans raison que Gunther avait compté sur son ami.

Lyderic réfléchit un instant à ce qu’il venait d’entendre ; puis, posant la main sur l’épaule de Gunther :

– Sois tranquille, lui dit-il, et ce soir, quand les pages et les serviteurs se seront retirés, au lieu de sortir par la porte, ferme-la en dedans, et souffle la lampe, le reste me regarde. Je t’ai déjà soutenu dans les trois premières épreuves, je ne t’abandonnerai pas dans la dernière.

– Tu seras donc là ? demanda Gunther.

– Je serai là, répondit Lyderic.

– Mais comment saurai-je que tu y es ?

– Je te parlerai à l’oreille, comme j’ai fait au château de Ségard. Gunther se jeta dans les bras de son ami, lui jurant qu’il n’oublierait jamais ce dernier service, le plus grand de tous ceux qu’il lui avait rendus.

La journée se passa en fêtes ; le roi et la reine des Higlands avaient l’air d’être au mieux ensemble ; aussi tout le monde déplorait-il la stérilité de leur union, seul nuage qui pût obscurcir le ciel d’un aussi bon ménage, Brunehilde consentant à paraître la servante le jour, pourvu qu’elle fût la maîtresse pendant la nuit.

Le soir arriva sans que Brunehilde se doutât en rien du complot qui était tramé contre elle.

Quand l’heure de se retirer fut venue, Lyderic conduisit Chrimhilde à sa chambre, et, lui disant qu’il avait à causer d’affaires d’État avec Gunther, il la laissa seule, contre son habitude.

Cet abandon momentané fit grande peine à Chrimhilde ; mais son âme, à elle, était faite de dévouement, comme celle de Brunehilde était faite d’orgueil, et, lorsque Lyderic lui eut dit que cette absence avait pour but de rendre un grand service à son frère, elle ne retint plus son mari.

En conséquence, Lyderic passa dans la chambre voisine, mit sur sa tête le casque qui rend invisible, et s’achemina vers la chambre du roi.

La porte en était ouverte.

Comme d’habitude, des pages et des serviteurs, portant chacun une torche à la main, venaient de conduire leurs souverains dans cette chambre témoin depuis un an de si étranges choses.

Lyderic se glissa parmi eux, et, voyant que le roi regardait avec inquiétude, il s’approcha de lui en disant :

– Me voilà.

Dès lors le visage de Gunther reprit toute sa sérénité, et son regard cessa de s’arrêter malgré lui sur le malencontreux faisceau d’armes, auquel il devait les plus mauvaises nuits qu’il eût passées de sa vie.

À l’heure habituelle, les serviteurs et les pages se retirèrent, emportant les flambeaux et ne laissant qu’une seule lampe allumée.

Alors Brunehilde, qui jusque-là avait gardé l’apparence d’une femme soumise, se leva fièrement, et, avec la démarche d’une reine, s’avança vers son mari.

Mais celui-ci, ayant demandé tout bas à Lyderic s’il était là, et en ayant reçu une réponse affirmative, s’élança vers la porte, et, l’ayant fermée à la clef, mit la clef dans sa poche, au lieu de s’enfuir comme il en avait l’habitude.

Brunehilde frappa Gunther si rudement, qu’il alla tomber sur la table où était la lampe, la renversa, et qu’il l’éteignit ; de sorte que la chambre se trouva dans l’obscurité.

– Tu vois ? dit tout bas Gunther à Lyderic.

– Oui, répondit Lyderic ; et maintenant, mets-toi dans un coin et laisse-moi faire.

Alors Lyderic s’avança à la place de Gunther, et, comme Brunehilde crut que c’était toujours son mari, et que, par expérience, elle avait appris à connaître sa supériorité sur lui, elle voulut lui saisir les mains pour les lui lier comme elle avait déjà fait.

Mais cette fois les choses ne se passèrent pas ainsi que de coutume, et, au contraire, ce fut Lyderic qui prit Brunehilde par les poignets et qui les lui lia avec le ceinturon ; puis il attacha Brunehilde au faisceau d’armes et disparut.

En sortant, ses pieds rencontrèrent un léger obstacle près de la porte.

Il se baissa pour voir ce que c’était et ramassa quelque chose de soyeux.

Quand il fut arrivé à la lumière, il reconnut la ceinture que Brunehilde portait ordinairement, et dans laquelle, suivant son habitude, se trouvait passé un large anneau d’or à ses armoiries.

En rentrant chez lui, Lyderic trouva Chrimhilde fort inquiète.

Alors, comme il n’avait point de secret pour elle, il lui raconta ce qui venait de se passer, et lui montra l’anneau et la ceinture qu’il avait trouvés.

Chrimhilde les voulut avoir.

Lyderic s’y refusa un instant ; puis, comme il vit que son refus ne faisait qu’augmenter les désirs de sa femme, il lui donna l’anneau et la ceinture en la priant de ne jamais dire d’où ils lui venaient.

Chrimhilde le lui promit, et dans ce moment sans doute elle avait l’intention de tenir sa promesse.

Le lendemain, du plus loin que Gunther aperçut Lyderic, il alla à lui et lui serra la main d’un air triomphant ; quant à Brunehilde, elle parut au contraire honteuse et attristée, et comme ne pouvant se pardonner la victoire que son mari avait remportée sur elle.

Avec la faiblesse de la femme, ses petites passions étaient aussi venues à Brunehilde, et cette haine instinctive qu’elle avait ressentie pour Chrimhilde s’augmenta bientôt au point que les deux femmes ne pouvaient se rencontrer sans échanger l’une avec l’autre des paroles piquantes.

Sur ces entrefaites, des troubles éclatèrent dans le nord du pays des Higlands, et Gunther fut obligé de quitter sa capitale pour aller les apaiser.

Il prit donc congé de Lyderic et de Chrimhilde, laissant à Brunehilde le soin de remplir envers eux les devoirs de l’hospitalité.

Mais Brunehilde ne se vit pas plutôt seule, qu’elle traita Lyderic et Chrimhilde avec une hauteur à laquelle ni l’un ni l’autre n’étaient habitués.

Ce n’était rien pour Lyderic, qui croyait savoir la cause de ce mépris apparent ; mais il n’en était point ainsi de Chrimhilde, qui ressentait doublement, pour elle et pour son mari, les insultes qu’on lui faisait.

Enfin, les insultes lui devinrent insupportables, et elle résolut de s’en venger.

Alors, comme vint le saint jour du dimanche, sans rien dire à son mari de ce qu’elle allait faire, elle passa à son doigt l’anneau et serra autour de sa taille la ceinture que Lyderic avait trouvés chez Brunehilde pendant la nuit où il avait lutté avec elle, et, étant partie pour l’église en même temps que Brunehilde, au moment d’y entrer, elle prit le pas sur elle. Alors Brunehilde l’arrêta.

– Depuis quand, lui dit-elle, la vassale prend-elle le pas sur la reine ?

– Depuis, répondit Chrimhilde, que je porte cette ceinture et cet anneau.

À ce geste, Brunehilde jeta un cri et tomba évanouie entre les bras de ses femmes ; quant à Chrimhilde, elle entra avec assurance dans l’église et s’agenouilla à la place d’honneur.

Mais elle n’y fut pas plutôt, qu’elle se rappela qu’elle avait manqué à la promesse qu’elle avait faite à son mari, et qu’elle calcula avec effroi quelles pouvaient être les suites terribles de sa désobéissance : aussi, à peine le saint sacrifice de la messe fut-il terminé, qu’elle rentra au palais, et qu’ayant été trouver Lyderic elle le supplia de partir à l’instant même, ne pouvant pas, lui dit-elle, endurer plus longtemps les humiliations que lui faisait subir sa belle-sœur.

Lyderic, qui n’était point fâché de mettre un terme à toutes ces dissensions, fixa son départ au lendemain, et se présenta chez Brunehilde pour prendre congé d’elle.

Mais Brunehilde refusa de le recevoir, et Lyderic, prenant ce refus pour une nouvelle insulte, au lieu d’attendre le lendemain, partit le soir, sans même écrire à Gunther pour lui apprendre la cause de son départ.

Quelques jours s’étaient écoulés à peine depuis que Lyderic et Chrimhilde avaient quitté la capitale des Higlands, lorsque Gunther y rentra, après avoir heureusement apaisé les troubles qui l’avaient appelé dans le nord de ses États.

Son premier soin fut de se rendre auprès de la reine ; mais, au lieu de la voir toute joyeuse ainsi qu’il s’y attendait, il la retrouva en larmes, et, comme il s’avançait vers elle pour la serrer dans ses bras, elle tomba à ses genoux, en lui demandant vengeance contre Lyderic.

– Qu’a-t-il donc fait ? demanda Gunther étonné.

– Sire, répondit Brunehilde, il m’a insultée gravement, et vous a insulté plus gravement encore ; car, s’étant procuré, je ne sais comment, la ceinture et l’anneau que vous m’avez dérobés pendant la nuit, il les a donnés à Chrimhilde, en lui disant que c’était lui qui me les avait pris : et vous savez bien le contraire, monseigneur, puisque vous avez été un an sans me les pouvoir enlever.

Gunther devint très pâle, car il crut qu’il avait été trahi par Lyderic ; et relevant sa femme.

– C’est bien, lui répondit-il, mais n’avez-vous parlé de cela à personne ?

– À personne qu’à vous, monseigneur, dit Brunehilde.

– Eh bien ! continuez d’être aussi discrète, répondit Gunther, et, sur mon âme, vous serez vengée.

Et Brunehilde, la fière reine, se releva à demi consolée, à la seule idée de vengeance que lui promettait Gunther.

Cependant, comme Gunther était brave, sa première idée fut de se venger bravement en accusant Lyderic de mensonge et en l’appelant en combat particulier ; mais aussi, comme il connaissait, pour les avoir éprouvés à son profit, la force et le courage de Lyderic, il résolut de prendre, avant d’en venir à ce combat, toutes les précautions que pouvait lui offrir la prudence réunie à la loyauté.

La plus urgente de ces précautions était de se procurer une armure à l’épreuve de la lance et de l’épée ; mais, ne s’en rapportant à personne du choix de cette armure, il se mit un matin en route pour aller la commander lui-même au forgeron Mimer.

Au bout de cinq ou six jours de marche, Gunther arriva donc à la forge, où il trouva Mimer, Hagen et les autres compagnons, qui continuaient de forger les plus belles et les plus fortes armes qui se pussent voir.

Gunther leur expliqua minutieusement son armure telle qu’il la voulait, et promit de la payer un tel prix que maître Mimer et ses compagnons, voulant de leur côté faire de leur mieux, demandèrent à Gunther contre qui il voulait se servir de cette armure, afin d’en proportionner la force à celle de l’adversaire qu’ils devaient connaître, quel qu’il fût, tous les chevaliers de l’Occident se fournissant chez eux.

Gunther répondit que cet adversaire était Lyderic, premier comte de Flandre.

Alors Mimer secoua la tête, et comme Gunther lui demandait ce que signifiait ce geste :

– Seigneur chevalier, répondit-il, vous avez là une méchante besogne : il n’y a si bonne armure qui puisse vous défendre contre l’épée Balmung, qui a été forgée sur cette enclume par Lyderic lui-même, et il n’y a si bonne épée qui puisse blesser Lyderic, car il a tué le dragon dont le sang rend invulnérable, et, comme le chevalier Achille, il n’y a qu’une place du corps où on puisse le frapper, car il s’est baigné dans le sang du dragon, et, à l’exception d’un endroit où est tombée une feuille de tilleul, il a tout le corps couvert d’une écaille qui, toute fine qu’elle est, est plus impénétrable que le plus impénétrable acier.

– Et à quel endroit cette feuille est-elle tombée ? demanda Gunther.

– Voilà ce que j’ignore, répondit le forgeron.

Alors Hagen, le premier compagnon, qui, comme on se le rappelle, avait donné à Mimer le conseil d’envoyer Lyderic à la Forêt-Noire, s’avança et dit à Gunther :

– Sire chevalier, avec les traîtres, il faut agir traîtreusement. Si vous voulez me donner la moitié de la somme dont vous comptiez payer l’armure, et donner l’autre moitié à maître Mimer, je me charge de vous débarrasser de Lyderic, et, quand il sera mort, vous conquerrez ses États.

– Et quel moyen comptez-vous employer pour cela ?

– Cela me regarde, monseigneur ; rapportez-vous-en à moi, répondit Hagen.

– Eh bien ! soit, dit Gunther, faites comme vous l’entendrez ; voici la moitié de la somme que je comptais mettre à l’armure, l’autre moitié vous sera payée quand vous m’aurez débarrassé de Lyderic.

C’est ainsi que fut fait le pacte entre Gunther, roi des Higlands, le forgeron Mimer et son premier compagnon Hagen.

Le même jour, Gunther repartit pour sa capitale, et Hagen, ayant pris son long bâton à la main et portant son paquet sur son dos, s’achemina vers le château de Buck.

Il y arriva le troisième jour, et demanda à parler au comte Lyderic ; et Lyderic, ayant appris qu’un voyageur demandait à lui parler, ordonna que ce voyageur fût amené devant lui.

À peine l’eut-il aperçu, qu’il reconnut Hagen, le premier compagnon de maître Mimer.

Comme Lyderic avait une mémoire tout à fait oublieuse du mal, il reçut admirablement bien Hagen, et lui demanda ce qui l’amenait à sa cour.

Hagen répondit que, s’étant pris de querelle avec maître Mimer pour affaires de son état, il l’avait quitté, et que, s’étant résolu d’aller offrir ses services comme armurier à quelque noble seigneur, il avait pensé avant tout à son ancien camarade de forge, et venait en toute humilité mettre ses petits moyens à sa disposition.

Or, comme Lyderic savait que Hagen était, après maître Mimer, le premier armurier qui existât, il le retint à l’instant même à son service, et lui confia la surveillance de toutes ses forges et de toutes ses armureries.

Cette importante acquisition fut vue d’un très bon œil par tout le monde, excepté par Peters, car il connaissait le mauvais naturel de Hagen et la haine qu’il portait à son maître ; mais Lyderic ne fit que rire de ses inquiétudes, et Hagen fut installé au château dans l’emploi qui avait été créé pour lui.

Quelques jours après, Lyderic reçut de Gunther une lettre qui lui annonçait que l’insurrection avait fait de tels progrès dans ses États, qu’il le suppliait de venir à son secours avec ses meilleurs chevaliers.

À l’instant même, Lyderic, oubliant la mésintelligence qui régnait entre les deux reines, ordonna que tout fût prêt le plus tôt possible, et commanda à ses cent meilleurs hommes d’armes de s’appareiller de leur mieux pour l’accompagner dans le royaume des Higlands.

Cet ordre avait répandu la joie dans le comté de Flandre, car, pour ces hommes de fer, la guerre était une fête ; il n’y avait que la vieille princesse et Chrimhilde qui, l’une par pressentiment maternel, et l’autre par connaissance du caractère de son frère, virent avec peine cette excursion.

Or, il arriva que Chrimhilde, ayant exposé assez haut ses craintes pour être entendue de Hagen, celui-ci s’approcha d’elle et lui dit :

– Noble dame, je sais ce qui cause vos inquiétudes : votre époux est invulnérable par tout le corps, excepté en un seul endroit où est tombée une feuille de tilleul, et vous craignez qu’il ne soit frappé justement en cet endroit ; mais, si vous voulez faire une marque à son vêtement à cet endroit, je le suivrai par-derrière, et j’écarterai tous les coups qui pourraient le menacer.

Chrimhilde accueillit cette offre comme une inspiration du ciel, remercia Hagen, et promit qu’elle broderait une petite croix sur la partie de l’habit qui couvrait la partie vulnérable, afin que Hagen pût défendre cette partie.

C’était tout ce que voulait celui-ci.

Au jour fixé, Lyderic et ses cent hommes d’armes étaient prêts ; et, selon son habitude, le comte de Flandre n’avait d’autre arme que son épée : il était vêtu d’un pourpoint que lui avait fait Chrimhilde, et sur lequel, au-dessous de l’épaule gauche, était brodée une petite croix.

Au moment du départ, Peters vint supplier le comte de ne point emmener Hagen ; mais Hagen, dans une guerre, était un homme trop précieux par son habileté à fabriquer et à réparer les armes, pour que Lyderic s’en privât : aussi ne fit-il que rire des craintes de Peters, et constitua-t-il Hagen intendant général de son armurerie.

Lyderic prit congé de sa mère et de sa femme, avec sa confiance ordinaire dans la fortune : il avait l’épée Balmung, dont il connaissait la trempe ; il avait le fouet d’or du roi des Niebelungen ; enfin il avait le casque qui rend invisible : c’était, avec son courage, des garanties plus que suffisantes pour la victoire.

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