A more particular Account of the Circumstances and Success of this extraordinary Experiment was laid before the Royal Academy of Sciences at Paris, three Days afterwards, in a Memorial by M. D'Alibard, viz.

EXTRAIT D'UN MEMOIRE

DE M. D'ALIBARD,

Lû à l'Académie Royale des Sciences, le 13 Mai, 1752.

"En suivant la route que M. Franklin nous a tracée, j'ai obtenu une satisfaction complette. Voici les préparatifs, le procédé & le succès.

"1º. J'ai fait faire à Marly-la-ville, située à six lieues de Paris au milieu d'une belle plaine dont le sol est fort élevé, une verge de fer ronde, d'environ un pouce de diametre, longue de 40 pieds, & fort pointue par son extrémité supérieure; pour lui ménager une pointe plus fine, je l'ai fait armer d'acier trempé & ensuite brunir, au défaut de dorure, pour la préserver de la rouille; outre cela, cette verge de fer est courbée vers son extrémité inférieure en deux coudes à angles aigus quoiqu'arrondis; le premier coude est éloigné de deux pieds du bout inférieur, & le second est en sens contraire à trois pieds du premier.

"2º. J'ai fait planter dans un jardin trois grosses perches de 28 à 29 pieds, disposées en triangle, & éloignées les unes des autres d'environ huit pieds; deux de ces perches sont contre un mur, & la troisieme est au-dedans du jardin. Pour les affermir toutes ensemble, l'on à cloué sur chacune des entretoises à vingt pieds de hauteur; & comme le grand vent agitoit encore cette espéce d'édifice, l'on a attaché au haut de chaque perche de longs cordages, qui tenant lieu d'aubans, répondent par le bas à de bons piquets fortement enfoncés en terre à plus de 20 pieds des perches.

"3º. J'ai fait construire entres les deux perches voisines du mur, & adosser contre ce mur une petite guerite de bois capable de contenir un homme & une table.

"4º. J'ai fait placer au milieu de la guérite une petite table d'environ un demi-pied de hauteur; & sur cette table j'ai fait dresser & affermir un tabouret electrique. Ce tabouret n'est autre chose qu'une petite planche quarrée, portée sur trois bouteilles à vin; il n'est fait de cette matiere que pour suppléer au defaut d'un gâteau de résine qui me manquoit.

"5º. Tout étant ainsi préparé, j'ai fait elever perpendiculairement la verge de fer au milieu des trois perches, & je l'ai affermie en l'attachant à chacune des perches avec de forts cordons de soie par deux endroits seulement. Les premiers liens sont au haut des perches, environ trois pouces au-dessous de leurs extrémités supérieures; les seconds vers la moitié de leur hauteur. Le bout inférieur de la verge de fer est solidement appuyé sur le milieu du tabouret electrique, où j'ai fait creuser un trou propre à le recevoir.

"6º. Comme il étoit important de garantir de la pluie te tabouret & les cordons de soie, parce qu'ils laisseroient passer la matiére électrique s'ils etoient mouillés, j'ai pris les précautions necessaires pour en empêcher. C'est dans cette vue que j'ai mis mon tabouret sous la guérite, & que j'avois fait courber ma verge de fer à angles aigus; afin que l'eau qui pourroit couler le long de cette verge, ne pût arriver jusques sur le tabouret. C'est aussi dans le même dessein que j'ai fait clouer sur le haut & au milieu de mes perches, à trois pouces au-dessus des cordons de soie, des especes de boîtes formées de trois petites planches d'environ 15 pouces de long, qui couvrent par-dessus & par les côtes une pareille longueur des cordons de soie, sans leur toucher.

"Il s'agissoit de faire, dans le tems de l'orage, deux observations sur cette verge de fer ainsi disposée; l'une étoit de remarquer à sa pointe une aigrette lumineuse, semblable à celle que l'on apperçoit à la pointe d'une aiguille, quand on l'oppose assez près d'un corps actuellement électrisé; l'autre étoit de tirer de la verge de fer des étincelles, comme on en tire du canon de fusil dans les expériences électriques; & afin de se garantir des piqûres de ces étincelles, j'avois attaché le tenon d'un fil d'archal au cordon d'une longue fiole pour lui servir de manche....

"Le Mercredi 10 Mai 1752, entre deux & trois heures après midi, le nommé Coiffier, ancien dragon, que j'avois chargé de faire les observations en mon absence, ayant entendu un coup de tonnerre assez fort, vole aussitôt à la machine, prend la fiole avec le fil d'archal, présente le tenon du fil à la verge, en voit sortir une petite étincelle brillante, & en entend le pétillement; il tire une seconde étincelle plus fort que la premiere & avec plus de bruit! il appelle ses voisins, & envoie chercher M. le Prieur. Celui-ci accourt de toutes ses forces; les paroissiens voyant la précipitation de leur curé, s'imaginent que le pauvre Coiffier a été tué du tonnerre; l'allarme se répand dans le village: la grêle qui survient n'empêche point le troupeau du suivre son pasteur. Cet honnête ecclésiastique arrive près de la machine, & voyant qu'il n'y avoit point de danger, met lui-même la main â l'œuvre & tire de fortes étincelles. La nuée d'orage & de grêle ne fut pas plus d'un quart-d'heure à passer au zénith de notre machine, & l'on n'entendit que ce seul coup de tonnerre. Sitôt que le nuage fut passé, & qu'on ne tira plus d'étincelles de la verge de fer, M. le Prieur de Marly fit partir le sieur Coiffier lui-même, pour m'apporter la lettre suivante, qu'il m'ecrivit à la hâte."

 

Je vous annonce, Monsieur, ce que veus attendez: l'expérience est complette. Aujourd'hui à deux heures 20 minutes après midi, le tonnerre a grondé directement sur Marly; le coup a été assez fort. L'envie de vous obliger, & la curiosité m'ont tiré de mon fauteüil, où j'êtois occupé à lire: je suis allé chez Coiffier, qui déja m'avoit dépêché un enfant que j'ai rencontré en chemin, pour me prier de veenir; j'ai doublé le pas à travers un torrent de grêle. Arrivé à l'endroit où est placée la tringle coudée, j'ai présenté le fil d'archal, en evançant successivement vers la tringle, à un pouce & demi, ou environ; il est sorti de la tringle une petite colonne de fer bleuâtre sentant le soufre, qui venoit frapper avec une extrême vivacité le tenon du fil d'archal, & occasionnoit un bruit semblable à celui qu'on feroit en frappant sur la tringle avec une clef. J'ai répeté l'expérience au moins six fois dans l'espace d'environ quatre minutes, en présence de plusieurs personnes, & chaque expérience que j'ai faite a duré l'espace d'un pater & d'un ave. J'ai voulu continuer; l'action du feu s'est ralentie peu à peu; j'ai approché plus près, & n'ai plus tiré que quelques étincelles, & enfin rien n'ai paru.

Le coup de tonnerre qui a occasionné cet événement, n'a été suivi d'aucun autre; tout s'est terminé par une abondance de grêle. J'étois si occupé dans le moment de l'expérience de ce que voyois, qu'ayant été frappé au bras un peu au-dessus du coude, je ne puis dire si c'est en touchant au fil d'archal ou à la tringle: je ne me suis pas plaint du mal que m'avoit fait le coup dans le moment que je l'ai reçu; mais comme la douleur continuoit, de retour chez moi, j'ai découvert mon bras en présence de Coiffier, & nous avons apperçu une meurtrissure tournante autour du brass, semblable à celle que feroit un coup de fil d'archal, si j'en avois été frappé à nud. En revenant de chez Coiffier, j'ai recontré M. le Vicaire, M. de Milly, et le Maître d'école, à qui j'ai rapporté ce qui venoit d'arriver; ils se sont plaints tous les trois qu'ils sentoient une odeur de soufre qui les frappait davantage à mesure qu'ils s'approichient de moi: j'ai porté chez moi la même odeur, & mes domestiques s'en sont apperçus sans que je leur aye rien dit.

Voilà, Monsieur, un récit fait à la hâte, mais naif & vrai que j'atteste, & vous pouvez assurer que je suis prêt à rendre témoignage de cet événement dans toutes les occasions. Coiffier a été le premier qui a fait l'expérience & l'a répétée, plusieurs fois; ce n'est qu'à l'occasion de ce qu'il a vu qu'il m'a envoyé prier de venir. S'il étoit besoin d'autres témoins que de lui & de moi, vous les trouveriez. Coiffier presse pour partir.

Je suis avec une respectueuse considération, Monsieur, votre, &c. signé Raulet, Prieur de Marly. 10 Mai, 1752.

 

"On voit, par le détail de cette lettre, que le fait est assez bien constaté pour ne laisser aucun doute à ce sujet. Le porteur m'a assuré de vive voix qu'il avoit tiré pendant près d'un quart-d'heure avant que M. le Prieur arrivât, en présence de cinq ou six personnes, des étincelles plus fortes & plus bruyantes que celles dont il est parlé dans la lettre. Ces premieres personnes arrivant successivement, n'osient approcher qu'à 10 ou 12 pas de la machine; & à cette distance, malgré le plein soleil, ils voyoient les étincelles & entendoient le bruit....

"Il résulte de toutes les expériences & observations que j'ai rapportées dans ce mémoire, & surtout de la dernière expérience faite à Marly-la-ville, que la matiere du tonnerre est incontestablement la même que celle de l'électricité. L'idée qu'en a eu M. Franklin cesse d'être une conjecture: la voilà devenue une réalité, & j'ose croire que plus on approfondira tout ce qu'il a publié sur l'électricité, plus on reconnoîtra combien la physique lui est redevable pour cette partie."

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