L'Iliade Scène 15 : La prise de la ville

NOTA. – Ce dernier épisode n'appartient pas à l'Iliade proprement dite. Il est adapté de l'Odyssée d'Homère, et surtout de l'Enéide de Virgile.

Alors les Grecs construisirent, avec l'aide d'Athéna, un cheval gigantesque en bois de sapin. Ils firent croire que c'était une offrande aux dieux pour leur retour. Mais ils cachèrent furtivement, dans les flancs du colosse, l'élite de leurs guerriers en armes.

Or, non loin du rivage, en vue de Troie, il y avait une île, du nom de Ténédos. C'est là que les Grecs firent voile, et ils cachèrent leurs vaisseaux sur les plages désertes. Pendant ce temps, les Troyens les croyaient partis et portés par le vent vers Mycènes.

À Troie, la joie succéda à l'affliction. Les portes qui avaient été si longtemps fermées s'ouvrirent toutes grandes. Quelle joie de pouvoir errer librement à travers le camp grec, de voir l'emplacement des vaisseaux et le rivage abandonné !

Les Troyens restaient stupéfaits à la vue du cheval, don funeste fait à la déesse Athéna, et admiraient sa taille prodigieuse. C'est alors qu'un homme leur conseilla de l'introduire dans la ville et de le placer dans la citadelle même. Était-ce trahison, ou déjà les destinées de Troie s'accomplissaient-elles ? Nul ne pourrait le dire.

À la nouvelle de ce projet, le prêtre Laocoon accourut, furieux, du haut de la citadelle. « Mes pauvres concitoyens, s'écria-t-il alors qu'il était encore loin, quelle folie est la vôtre ? Croyez-vous que les ennemis sont réellement partis ? Pensez-vous qu'il est prudent d'accepter des Grecs un présent ? Ou bien des hommes sont cachés dans ce bois ; ou bien c'est une machine de guerre, faite pour épier nos demeures et fondre d'en haut sur la ville ; ou encore il y a là un piège que j'ignore. Défiez-vous de ce cheval, Troyens ! »

À ces mots, il lança un énorme javelot sur les flancs de la bête. Et si la volonté des dieux n'avait pas été contraire, les Troyens se seraient joints à lui pour saccager le repaire des Grecs, et Troie serait debout aujourd'hui encore.

Mais les dieux envoyèrent un terrible présage. Comme Laocoon, prêtre de Poséidon, était sur le point d'immoler un taureau au pied des autels, voici qu'arrivèrent de la mer deux terribles serpents. Se jetant sur Laocoon et ses fils, ils les dévorèrent tous trois.

Alors une grande frayeur saisit tous les cœurs. Le bruit courut que Laocoon avait été châtié pour avoir frappé de son javelot le bois sacré. Aussi tous crièrent-ils qu'il fallait conduire le cheval dans la ville et implorer la protection de la déesse.

On fit une brèche dans les remparts. Chacun se mit à l'œuvre. On glissa des roues sous les pieds du cheval, on passa des cordes autour de son cou. Et tandis que garçons et filles chantaient des hymnes sacrés, il s'avançait en glissant jusqu'au centre de la ville.

Quatre fois il s'arrêta au passage de la brèche, et quatre fois dans ses flancs retentit le bruit des armes. Mais, sans y prendre garde, les Troyens continuèrent. Ils placèrent le monstre fatal dans la citadelle consacrée, tandis que les temples étaient ornés de feuillages de fête.

Cependant, la Nuit s'élançait de l'Océan. Bientôt les Troyens furent plongés dans un profond sommeil. Et déjà l'armée grecque, partie de Ténédos, voguait en bon ordre vers ces rivages familiers.

À la vue d'une flamme sur le vaisseau royal, un Grec, qui s'était mêlé aux Troyens, ouvrit le cheval de bois et libéra ses compatriotes cachés à l'intérieur.

Ils se précipitèrent dans la ville endormie, massacrèrent les sentinelles et, ouvrant les portes, accueillirent leurs compagnons. Les cris des guerriers et l'accent des clairons s'élevèrent à la fois, et les Grecs portèrent partout dans la ville le fer et le feu.

Ainsi tomba cette ville antique, qui avait été pendant de longues années la reine de l'Asie. Et les cadavres de ses enfants jonchaient de toutes parts les rues et les maisons et le seuil même des temples.

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