Au Maréchal Bugeaud.

Monsieur le Maréchal,

Permettez-moi d’introduire près de vous et de recommander à votre gracieux accueil mon frère aîné, le comte Abel Hugo. Ce n’est pas seulement le fils d’un de vos anciens et illustres compagnons d’armes, c’est aussi le frère d’un homme qui honore votre énergique caractère et vos grands travaux. Mon frère partage, monsieur le Maréchal, tous mes sentiments pour vous. Il est heureux de vous approcher et de vous entendre, permettez-moi d’espérer que vous voudrez bien l’accueillir comme vous m’accueilleriez moi-même. Je ne vous parle pas de l’élévation de ses vues et de l’étendue de ses idées, vous l’apprécierez. Mais, ce que je puis dire dès à présent, c’est qu’il est bon que des hommes comme lui visitent, connaissent et épousent l’Algérie.

J’ai reçu et lu avec un haut intérêt l’excellent travail que vous avez bien voulu m’envoyer, et où j’ai retrouvé avec bonheur les idées et les paroles de cette conversation de deux heures qui m’a laissé un profond souvenir.

Agréez, monsieur le Maréchal, la nouvelle assurance de ma haute considération.

Victor Hugo.

Paris, 9 novembre 1846.

Inédite. — Paul Meurice venait de signer Demain, dans un feuilleton que nous n’avons pu retrouver, un article sur Victor Hugo qui, ignorant le nom de l’auteur de cet article, avait envoyé au journal son remerciement. Bibliothèque Nationale.

Inédite. Écrite en recevant la lettre ci-dessous :

Jeudi [19 février 1846].

Monsieur,

Anténor Joly me remet aujourd’hui seulement votre bonne lettre. Elle me rend si heureux et si fier que je n’y puis tenir, — je trahis mes devoirs, je viole mes serments — et vous confesse que c’est bien moi, hélas ! qui ai eu l’idée, téméraire et impie sans doute, de m’appeler Demain, de grossir ma voix grêle par ce redoutable masque de bronze... — Pour tout vous dire, d’ailleurs, puisque je suis en train, — Vacquerie va désormais m’aider dans une besogne trop absorbante, je m’en suis aperçu, pour mes seules forces. Il a écrit déjà en grande partie l’avant-dernier article sur les Critiques et fera le prochain sur Ponsard. — Lui seul et Joly étaient jusqu’ici dans la confidence. — Oserai-je, Monsieur, vous demander de taire encore notre secret à tout le monde et même mon indiscrétion à mes complices. Ce n’est pas contre la prudence, certes, c’est contre la foi promise que je vous livre le mot de l’énigme déjà trop devinée pour notre sûreté, notre succès, notre autorité surtout. Mais que voulez-vous ? Vous êtes notre Napoléon à nous autres, je me battais joyeusement et obscurément pour votre illustre cause ; mais puisque vous avez bien voulu m’apercevoir dans mon coin, je n’ai pu résister au désir de vous remercier de vos indulgentes et encourageantes paroles et au bonheur de vous dire que celui qui a essayé de montrer dans cette dernière occasion combien il vous appartenait, cœur et plume, s’appelle

Paul Meurice.

Bibliothèque Nationale. — Paul Meurice connaissait Victor Hugo depuis 1854 ; il lui avait été amené par son grand ami Auguste Vacquerie, comme lui élevé au lycée Charlemagne. Ils avaient alors seize et dix-sept ans. De ce jour leur admiration pour le poète devint un véritable culte. Paul Meurice surtout lui consacra la plus grande partie de sa vie. Journaliste, auteur dramatique, romancier, il connut de grands succès ; mais à travers son labeur personnel, il défendit passionnément la gloire et les intérêts du Maître ; il le représenta dans toutes ses affaires pendant l’exil ; en 1869 il lui écrivait : « C’est mon devoir, mon honneur et mon bonheur de vous servir. » Son premier article sur Victor Hugo date de 1842 (le Rhin venait de paraître). Chose curieuse : c’est tandis qu’il préparait, pour l’édition de l’Imprimerie Nationale, la publication du Rhin, que la mort le surprit le 11 décembre 1905. Il ne put achever l’ouvrage qu’il considérait comme le point culminant de son œuvre personnelle au point de vue social : Labor, mais il avait eu la joie d’organiser une nouvelle et dernière apothéose de son maître : le centenaire de Victor Hugo. A. Pommier, poète, commenta les Classiques latins, et traduisit quelques ouvrages de Cicéron. Il laissa un poëme catholique, l’Enfer, qui eut en 1855 un grand succès, et quelques volumes de vers. Lamartine, dans un discours prononcé le 30 mai 1846, à la Chambre des députés, avait fait l’éloge de Casimir Delavigne et de Ponsard, et cela trois ans après l’échec des Burgraves. Mme de Girardin s’était employée à atténuer l’effet de ce malencontreux discours.

Le même jour Victor Hugo recevait de Lamartine ce billet :

Mon cher et illustre ami,

Mme de Girardin m’écrit que je vous avais involontairement blessé par une phrase de tribune non écrite et non réfléchie à propos de l’Odéon. Je suis désespéré. Je me couperais un morceau de la langue plutôt que de dire un mot qui désavouât ou qui froissât une amitié de 20 ans, ma plus glorieuse amitié. Est-ce vrai ? et que faire ? Tout pour convaincre le public qu’il n’y a dans mon esprit pour vous que l’admiration la plus égale à celle de l’avenir, et dans mon cœur qu’attachement et fidélité.

Lamartine.

Collection de M. Détroyat. Collection du Marquis de Luppé. Bibliothèque Nationale. Inédite. Charles avait eu, au début de l’année, une fièvre typhoïde. Bibliothèque Nationale. Inédite. — Le maréchal Bugeaud entra, à vingt ans, dans les grenadiers de la garde impériale, ce qui ne l’empêcha pas de se rallier en 1814 aux Bourbons qu’il abandonna d’ailleurs bientôt pour rejoindre Napoléon. Remis en activité après 1830, élu député de la Dordogne en 1831, il joua un triste rôle dans la captivité de la duchesse de Berry au fort de Blaye. Envoyé en Afrique en 1836, il s’y montra organisateur et consolida la conquête de l’Algérie dont il devint gouverneur général en 1840. Dur et cruel avec ses ennemis, il était plein de sollicitude pour ses compagnons d’armes qui l’avaient surnommé le père Bugeaud. En 1848 il fut élu par le département de la Charente inférieure et mourut du choléra l’année suivante. Quelques réflexions sur trois questions fondamentales de notre établissement en Algérie. Collection de M. Merle. Alger.

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