À Albert Lacroix.

Samedi 31 mai [1862].

Mon cher monsieur Lacroix,

Je commence par ceci : Jamais on n’a imprimé et on n’imprimera la première édition d’un de mes livres sans que je revoie les épreuves. Donc, rayons cet expédient. Je suis accablé de cette fatigue de six mois, et hors d’état d’aller à Bruxelles en ce moment. J’ai besoin à cette heure, non d’un voyage avec deux trajets de mer, mais d’un repos. Mais il y a un troisième moyen dont vous ne parlez pas. Il est évident pour tout le monde que vous n’avez pas assez de lettre. On n’entreprend pas une telle opération avec si peu de caractère. Claye, qui en a plus que vous, a dû recourir à des confrères. Pourquoi ne feriez-vous pas comme lui ? Arrangez-vous pour m’envoyer dix feuilles par jour. Vous les aurez par retour du courrier. Je ne comprends rien à votre lettre. Depuis trois jours je vous ai expédié vingt ou vingt-quatre bon à tirer. Avec cela on peut marcher. Lisez la lettre ci-incluse de M. P. Meurice. Pourquoi laissez-vous chômer l’imprimerie Claye ? Il y a, dites-vous, des lacunes dans vos bon à tirer. Mais ces lacunes ne sont pas, je suppose, ainsi : 1, bon à tirer. — 2, lacune. 3, bon à tirer. — 4, lacune. En d’autres termes, vous avez nécessairement des bonnes feuilles qui se suivent. Pourquoi ne pas les envoyer ? Vous avez en ce moment le tome VII tiré, et le tome VIII bon à tirer en entier. Pourquoi ne pas l’envoyer en bloc ? Je crois que la véritable enclouure, c’est votre désir de paraître partout à la fois, désir excellent et fort naturel, mais qu’il faut concilier avec la mise en vente le 20 juin. En bloc, c’est aussi mon avis, votre idée est excellente et j’y donne des deux mains ; mais ayez plus de lettre et envoyez-moi dix feuilles par jour.

Dimanche 1er juin.

Je continue cette lettre. Je ne prévois maintenant que fort peu d’intercalations dans le texte, et même pas du tout. Si M. Verboeckhoven qui est un excellentissime correcteur, veut se donner beaucoup de peine, et il le voudra, il peut m’envoyer, la copie étant fort correcte, des premières épreuves sur lesquelles je pourrais donner des bon à tirer. Il faut pour cela une correction absolue, pas de corrections à la plume, pas de corrections collées, des épreuves sérieuses et définitives. De cette façon, je donnerais immédiatement beaucoup de bon à tirer et ce serait là un quatrième expédient très facile et qui résoudrait victorieusement la question de célérité. Vous êtes deux charmantes intelligences et deux activités on ne peut plus zélées. Il faut nous atteler tous, tirer ensemble, et finir en quinze ou vingt jours. Nous le pouvons. Surtout ne laissez pas chômer Paris. Lisez ce qu’écrit P. Meurice.

Dimanche 1er juin.

Impossible d’affranchir aujourd’hui dimanche.

Le dimanche anglais vous explique la lacune d’un jour dans les envois. Tout est mort ce jour-là, la poste comme le reste.

— Voici huit bon à tirer (je ne compte pas le neuvième de quatre pages). Depuis trois jours, je vous ai envoyé vingt-cinq ou trente bon à tirer. Vous pouvez marcher et même galoper. Au galop donc, vaillants hommes que vous êtes.

Je vous remercie des extraits de journaux. Je coupe dans des journaux anglais et je vous envoie des petits entrefilets curieux et que vous pourriez utilement faire reproduire dans les journaux belges.

N’oubliez pas de m’envoyer, sitôt tirées, les bonnes feuilles des feuilles 4, 9 et 10.

Mille bons et affectueux compliments.

V.

Si vous êtes sûr de vous, tirez. Sinon renvoyez-moi épreuve de la feuille 10. Dans tous les cas ne manquez pas de m’envoyer la bonne feuille, ainsi que les feuilles 4 et 9, par le plus prochain courrier.

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