À George Sand.

Hauteville-House, 18 février 1862.

Où êtes-vous ? où cette lettre vous trouvera-t-elle ? Est-ce à Nohant ? est-ce à Paris ? pensez-vous quelquefois à un ami lointain que vous n’avez jamais vu, et qui vous est sérieusement et profondément acquis ? Tout ce que vous avez fait de bon, de grand et de beau pour tous dans ce siècle, vous, femme, avec votre tendresse, vous, sage, avec votre amour, me constitue un de vos débiteurs, et, au milieu des choses immenses qui m’entourent, mer, ciel, astres, nature, humanité, tempêtes, révolutions, je vous appelle et je songe à vous, et mon esprit dit au vôtre : Venez.

Je suis accablé de travail et d’affaires, et dans cette situation que vous connaissez, où l’on n’a pas un instant à soi, une lettre à écrire semble une aggravation ; mais vous écrire, c’est un repos.

Votre gloire est de celles dont le rayonnement est doux. La contemplation d’une lumière comme la vôtre est un enchantement pour l’âme.

Quand pourrons-nous causer, et nous voir, et nous dire tant de choses ? Hélas ! il me semble que la France recule pour moi, je voudrais bien que Guernesey pût se rapprocher de vous.

Il me semble que, si vous vouliez, vous êtes assez prophète pour faire venir à vous la montagne.

Je baise votre main et je la remercie et je la félicite d’écrire tant de belles œuvres.

À vos pieds, madame.

Victor Hugo.

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