À Jules Janin.

Hauteville-House, 16 avril 1863.

Je reçois, cher confrère, votre éloquente et charmante lettre, et je vous réponds bien vite. Oui, l’absent est à vous, tout à vous, mais, hélas, il est l’absent.

Que je voudrais être, pour parler comme Saint-Simon, bombardé votant de Guernesey aux Quatre-Nations, le 23, crever le dôme de l’Institut et tomber au milieu de ces prunelles rondes, avec le vote-éclair : Jules Janin.

Je crois que, de peur de moi, et d’éblouissement de vous, vous seriez nommé.

Mais, hélas, le style, la poésie, la critique, le goût, l’esprit, le charme, la force, la renommée, l’autorité, la puissance, trente-cinq ans d’éloquence et de succès, que de choses vous avez contre vous !

C’est égal, les académies elles-mêmes ont des moments lucides, et j’espère votre élection.

Sur ce, mon vaillant et glorieux confrère, je vous embrasse.

Victor Hugo.

P. S. — D’influence, hélas, je ne m’en crois plus. À l’Académie, un mort est immortel, mais un absent est mort. Pourtant, j’avais un voisin que j’entraînais parfois jusqu’à voter pour Dumas, Balzac et Musset, c’est Pongerville. Envoyez-lui ce mot (à moins qu’il ne soit devenu bonapartiste).

Tuus.

V.

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