À Madame Victor Hugo.

H.-H., 21 février [1866].

Lisez cette lettre en commun.

Voici, chère amie, ma réponse à tes doux reproches. M. Verboeckhoven vous remettra l’exemplaire des bonnes feuilles. Lisez, mes bien-aimés, vous êtes le public de mon esprit, de mon âme, et de mon cœur. Quant aux communications plus ou moins risquées, peut-être nuisibles, peut-être utiles, je m’en remets à votre sagesse collective. Vous avez près de vous d’excellents et vrais amis ; vous en avez d’autres. Distinguez, comprenez, décidez.

Je ne crois pas, chère amie, que le refroidissement conjectural dont tu me parles, et qui n’est que prudence, ait pu aller jusqu’à imposer à Paul, en même temps qu’un silence — que le reste du journal ne gardait point — absolu de quatre mois sur les Chansons des R. et des B., la glorification en termes exprès de l’immense triomphe dont je t’ai parlé. J’en suis fâché pour Paul, et pour Paul tout seul. Je doute qu’un frère de Casimir Delavigne eût glorifié l’immense triomphe de Hernani en gardant le silence sur les Messéniennes. Et puis je m’en fiche. Dis-moi si tu crois que je dois lui envoyer Les Travailleurs de la Mer. Je ferai ce que tu me conseilleras ; ton esprit est pour moi une lumière, et ton cœur un foyer. Je m’en éclaire et je m’en réchauffe. Cela m’est bon, car je sens parfois jusque dans ma solitude venir à travers la mer le froid de la haine.

Je vous embrasse , mes aimés.

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