À Auguste Vacquerie.

H.-H., dim. 13 juin.

Cher Auguste, causer un instant avec vous, c’est ma joie. Je vous lis tous les jours, vous me ravitaillez sur mon vieux rocher, et je me réchauffe au lointain rayon de votre puissant esprit. Rochefort n’est que retardé ; il est impossible qu’il ne soit pas nommé aux réélections qui vont se faire ; s’il n’était pas nommé, moi qui n’accepte aucune ingratitude, pas même l’ingratitude populaire, je m’attristerais et je m’indignerais. Mais je ne doute pas, et le Rappel triomphera en Rochefort comme il triomphe en tout. Je n’ai pas reçu l’article de M. Emm. des Essarts dont j’ai lu dans le Rappel quelques lignes excellentes. Avez-vous lu cet article ? êtes-vous d’avis que je doive écrire à M. des Essarts ? je vous fais la même question pour M. Eug. Montrosier dont le deuxième article ne m’est pas parvenu. Soyez assez bon pour me renseigner.

Votre effrayant labeur du Rappel ne peut durer toujours ainsi, et je songe souvent aux œuvres que vous nous devez, à ce Faust que j’attends, à votre grand théâtre que vous continuerez avec d’autant plus d’ardeur ayant repris votre plume-glaive de critique. Vous verrez comme tout s’aplanira. Être admiré est une moitié, être redouté est l’autre. Grandes œuvres, et grands succès, votre passé commande votre avenir.

M. des Essarts vient de publier un livre les Voyages de l’Esprit. S’il croit par hasard que je l’ai reçu, détrompez-le (au cas où vous le verriez). Est-il à Paris ?

Que de choses j’aurais à vous dire ! je rêve par instants que vous devriez bien accompagner Charles qui va venir. On peut faire de Guernesey le Rappel (sauf le théâtre pourtant). Je vous envoie tout mon vieux cœur.

V.

Hetzel publie de moi une exquise édition Elzévir. L’avez-vous vue ? — Envoyez-vous le Rappel à M. Rascol, directeur du Courrier de l’Europe de Londres, meilleur pour vous que l’Indépendance belge ? J’ai reçu le très bel envoi de M. Chifflart. Son Rappel est superbe. Voulez-vous le féliciter de ma part quand vous le verrez. Je lui écrirai. Il a supérieurement réussi l’illustration des Travailleurs de la mer, surtout le côté terrible. Je ne sais pas son adresse. Je lui ai écrit par Guérin ainsi qu’à Alphonse Karr. Je doute que mes lettres soient parvenues. Si vous voyez Guérin et si vous y pensez, voulez-vous lui demander s’il les a envoyées ? Beaucoup d’exemplaires de l’Homme qui Rit, envoyés par moi, aux soins de la librairie Lacroix, ne sont pas arrivés aux destinataires. Vous m’écrivez que vous êtes administrés comme je suis édité. Je vous plains.

À vous encore. — À vous toujours.

Share on Twitter Share on Facebook