À Monsieur L. Hugonnet.

Bruxelles, 24 août 1869.

J’ai bien tardé, monsieur, à vous répondre. Ce n’est pas ma faute. Ma vie est un tourbillon, chose étrange dans la solitude. Aucun loisir. Pas un instant à moi. J’ai tenu pourtant à lire votre écrit. Il est excellent. Je vous ferais quelques objections, mais il faudrait causer. Oui, vous avez raison, la France est pour l’Afrique ce que l’Angleterre est pour l’Asie, une mauvaise tutrice. Initier la barbarie à la civilisation, c’est le devoir et le droit des peuples aînés. Ce droit et ce devoir, le gouvernement français ne le comprend pas mieux que le gouvernement anglais. De là vos plaintes, auxquelles je m’associe.

Quand la République reviendra, la justice reviendra. La vraie lumière française luira en Afrique. Espérons. Attendons. Luttons.

Vous êtes un jeune et noble esprit. Votre génération, un peu attardée, finira par faire de grandes choses, dont vous serez. Je vous en félicite d’avance. Moi, je serai mort. Je vous léguerai à tous mon âme.

Croyez, monsieur, à ma profonde cordialité.

Victor Hugo.

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