À Madame Veuve Gaston Crémieux'.

Paris, 13 janvier 1872.

Madame,

Je reçois votre précieux et douloureux envoi. J’avais vu chez mon fils Charles votre vaillant mari. Tous deux sont morts.

Vivez pour vos enfants, noble veuve.

Je mets à vos pieds mon émotion profonde.

Victor Hugo.

À Paul de Saint-Victor

14 janvier.

Vous êtes venu, j’ai trouvé votre carte avec un mot, et je n’étais pas là pour vous recevoir, mon éminent et cher confrère ! Que vous seriez aimable de reprendre nos gracieuses habitudes de l’an passé, et de venir quelquefois vous asseoir à notre table de famille ! Si vous ne me donnez pas contre-ordre, je vous attendrai à dîner jeudi 18, à sept heures, rue Pigalle, 55. C’est là que nous avons dressé notre tente. Maintenant que me voilà un peu hors de l’ouragan politique, je serai bien heureux de causer avec vous de tout ce que nous aimons ensemble, et de faire reprendre à mon esprit un bain d’idéal, d’art et de poésie. Vous viendrez, n’est-ce pas ? envoyez-moi un bon oui.

Tuus ex imo.

Victor Hugo.

Je demeure rue de Larochefoucauld 66, et je dîne en face, rue Pigalle, 55.

À Madame Zélie Robert.

1er février. Paris.

Ceux qui se plaignent de moi, madame, ont tort et ont raison. On me croit puissant, et je ne le suis pas ; on me croit millionnaire, et je suis loin de l’être. De là des déceptions. Je fais ce que je puis, et ce que je puis est bien peu. J’ai épuisé cette année toutes mes ressources ; j’ai donné depuis un an plus de vingt-cinq mille francs; qu’est-ce que cette goutte d’eau dans l’immense misère publique ? Rien. Et ce rien est beaucoup pour moi. Donc on a raison, et l’on a tort. Vous, madame, noble femme que vous êtes, vous me rendez justice, et vous savez que je n’épargne aucun effort pour aider, secourir et délivrer ceux qui souffrent.

Votre fils m’a écrit ; je m’occupe de lui ; mais, à vrai dire, je ne compte que sur l’amnistie. On va jouer Ruy Blas ; dès que j’en serai débarrassé, je donnerai séance à notre excellent Nadar, car je tiens à vous obéir, madame. Vous êtes tout à la fois une généreuse mère et une charmante femme. Offrez à M. votre mari mes meilleurs compliments, et croyez, Madame, que je serai bien heureux de ne pas être inutile à votre pauvre jeune fils.

Victor Hugo.

Je vous envoie tous mes vœux de succès et je mets tous mes hommages

à vos pieds.

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