à Robelin.

Hauteville-House, 1 er mai.

Mon bon Robelin, je vois bien qu’il faut que je finisse par me confesser à vous. Je le fais de bonne grâce. Seulement, gardez-moi le secret. Vous seul allez connaître ma situation à fond. La voici : à la suite d’une liquidation désastreuse, j’ai dû prendre avec la banque nationale de Belgique les engagements que vous allez voir : j’ai payé :

1 le 1 er janvier 1873 : 33500 fr

je paierai :

2 le 1 er septembre 1873 : 33500

3 le 1 er mars 1874 : 33500

4 le 1 er septembre 1874 : 33500

5 le 1 er mars 1875 : 33500

6 le 1 er septembre 1875 : 33500

égal 201000 fr. à ces 67000 fr par an, ajoutez :

1 je donne à Victor : 12000 fr

2 je donne à Alice : 12000

3 je donne pour Adèle : 8000

égal 32000 fr par an.

Ces 32000 francs joints aux 67000, font 99000 francs par an. À ces 99000 francs ajoutez une petite institution que j’ai fondée ici pour l’enfance et qui me coûte par an 8000 fr. Cela fait 107000 francs que j’ai en ce moment à donner par an, avant de dépenser un liard pour moi-même et pour la maison. vous voyez que mes embarras, hélas ! valent bien les vôtres. heureusement j’ai eu l’année terrible et Ruy Blas l’an passé, et j’ai cette année Marion De Lorme, et j’aurai, je pense, l’année prochaine, le roi s’amuse . Sans quoi, je ne m’en tirerais pas . Néanmoins, cher vieil ami, ne soufflez mot de tout cela, et plaignez-moi de ce que je suis si empêché et surtout de ce que je ne puis vous venir en aide . Votre hôtesse de l’an passé vous envoie ses plus affectueux souvenirs, et moi je vous embrasse de tout mon cœur.

Victor Hugo.

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