À Charles.

Hauteville-House, 11 juin 1869.

Ce qu’il faut reprocher à Jules Favre, c’est d’être venu, lui, le grand orateur, contrecarrer l’élection de Rochefort, le grand pamphlétaire. Fût-on Mirabeau, on n’a pas le droit d’ôter la parole à Beaumarchais. Il a été beaucoup dit, dans ces derniers temps, que Jules Favre était nécessaire à la Chambre. Soit. Je le pense, dans la mesure où j’admets le temps présent. Selon moi, il y avait deux hommes nécessaires et il faut déplorer que l’un soit venu heurter l’autre. Ces deux hommes sont Rochefort et Jules Favre. Jules Favre nécessaire par la hauteur de sa parole, par sa puissance d’avocat et de tribun, par sa juste et légitime illustration ; Rochefort nécessaire par son intrépidité inépuisable sous toutes les formes, par l’éblouissant éclat de son esprit, par la menaçante signification de son prodigieux succès. Donc, que les électeurs se le disent, en vue des élections prochaines, ils n’ont fait que la moitié de leur devoir. Ils ont nommé Jules Favre, c’est bien. Maintenant qu’ils nomment Rochefort, ce sera mieux.

Des devoirs, oui, le peuple en a vis-à-vis de lui-même. Vaincre est son devoir, car la victoire est pour lui. Il y a duel à cette heure entre le suffrage universel et le gouvernement personnel. Nommer Rochefort, c’est porter le coup décisif.

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