À l’Éclaireur de Saint-Étienne.

Bruxelles, 12 août 1869.

Mon vaillant confrère et concitoyen, j’arrive d’une courte absence et je trouve votre lettre du 9 août. J’ai à peine le temps d’y répondre d’ici au 14 août, la limite extrême que vous m’indiquez. Je vous écris ces quelques lignes à la hâte, j’espère qu’elles vous parviendront à temps.

Je suis mal à l’aise pour écrire des choses proportionnées aux lois. Accoutumé à me servir de la liberté en grand, je ne sais pas m’en servir en petit. À l’oppression de la presse qui était le régime de l’avertissement a succédé la persécution de la presse qui est le régime actuel. L’amende, plus la prison, telle est la liberté octroyée. Cette liberté vient de vous frapper ; vous en étiez digne ; vous partagez cet honneur avec presque tous les généreux écrivains du temps. Depuis le 2 décembre, qui défend le droit inquiète la justice.

Vous êtes condamné. De telles condamnations couronnent. — La peine qu’elles infligent a des contre-coups dans l’inconnu. Après de certaines sentences personnelles, le juge reste rêveur.

Subissez l’épreuve. C’est notre sort à tous. La démocratie vous en tiendra compte. Votre excellent journal croîtra en autorité et en sympathie parmi cette admirable et touchante population ouvrière de Saint-Étienne, si rudement éprouvée, elle aussi.

Hélas ! le fusil-merveille des prussiens a plus de bonheur que le nôtre ; on ne peut lui reprocher que Sadowa. Le nôtre n’a eu encore que deux victoires, Mentana et la Ricamarie. Du premier coup, il a frappé au cœur l’Italie, et du second coup, la France.

Recevez mon cordial serrement de main.

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