à Monsieur Edme Laurency.

7 novembre. Monsieur, le livre dont vous êtes le publicateur se rattache à cette famille de livres mystérieux dont font partie la bible hébraïque et les autres bibles de l’orient. Les apocryphes , sur lesquels aucun jugement sain n’a encore été porté, sont un des groupes de ce grand ensemble d’œuvres étranges, mi-partie d’esprit terrestre et d’esprit visionnaire. Tous ces livres, à commencer par le zend-avesta et à finir par le koran , sont acceptés par la science comme sujets d’études, et ils offrent un sérieux intérêt aux poëtes, qui ont pour contemplation l’idéal, et aux philosophes, qui ont pour visées l’infini. à ce double point de vue, je lirai votre livre. Je crois vous l’avoir dit déjà, je crois en Dieu, parce qu’il m’est mathématiquement démontré, et je suis de ceux qui pensent, avec Arago, qu’en dehors des sciences exactes, on ne peut rien affirmer ni rien nier. Cette réserve respectueuse devant le possible est la loi de ma conscience. Je laisse ouverte la porte de ma pensée, et tout rayon y peut entrer ; mais mon œuvre, que je tâche de faire utile, demeure personnelle, par obéissance même pour l’inconnu qui donne à chacun de nous une fonction sur la terre ; et je sens que j’accomplis le vrai devoir humain en maintenant absolument la liberté solitaire de mon esprit. Je vous remercie de votre honorable dédicace, et je vous offre ma plus cordiale sympathie. Victor Hugo.

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