À Pierre Lefranc.

Hauteville-House, 1er août 1869.

Mon cher ancien collègue,

Nous nous connaissons pour nous être vus dans l’épreuve. Il y a de cela dix-huit ans bientôt, nous avons combattu ensemble ce combat désespéré. Le 8 décembre, la bataille était perdue, nous tenions encore : je présidais la dernière réunion de la gauche, et vous en étiez le secrétaire. Ensuite il y a eu l’exil.

Vous êtes rentré en France, mais pour continuer la lutte. Il y a une brèche au dedans, où est le drapeau de la Liberté, et une brèche au dehors, où est le drapeau de la Délivrance. Vous êtes dans l’une, je suis dans l’autre. Là nous combattons, chacun de notre côté, toujours d’accord. Aujourd’hui, frappé, vous me faites appel.

Votre lettre du 26 juillet ne m’arrive que le 1er août. J’y réponds immédiatement.

Voici, pour votre numéro d’exception, quelques pages inédites en France. Elles vous intéresseront peut-être, et je crois qu’avec force points et beaucoup de suppressions vous pourrez en citer quelque chose. Le droit de la femme, et le droit de l’enfant, ont toujours été mes deux premières préoccupations. La femme et l’enfant sont les faibles. Quant à l’homme, il est fort, il n’a qu’à faire son devoir.

Nous sommes dans le mois du 10 août.

Quoi qu’il en soit, nous étions proscrits, une femme mourut parmi nous. On me demanda de parler sur sa tombe, et voilà ce que j’ai dit.

Mon cher ancien collègue, j’aime votre jeune talent et votre intrépide cœur. Je vous serre la main.

Victor Hugo.

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