III

Ô paradis ! splendeurs ! versez à boire aux maîtres !

L’orchestre rit, la fête empourpre les fenêtres,

La table éclate et luit ;

L’ombre est là sous leurs pieds ; les portes sont fermées ;

La prostitution des vierges affamées

Pleure dans cette nuit.

Vous tous qui partagez ces hideuses délices,

Soldats payés, tribuns vendus, juges complices,

Évêques effrontés,

La misère frémit sous ce Louvre où vous êtes !

C’est de fièvre et de faim et de mort que sont faites

Toutes vos voluptés !

À Saint-Cloud, effeuillant jasmins et marguerites,

Quand s’ébat sous les fleurs l’essaim des favorites,

Bras nus et gorge au vent,

Dans le festin qu’égaie un lustre à mille branches,

Chacune, en souriant, dans ses belles dents blanches

Mange un enfant vivant !

Mais qu’importe ! riez ! Se plaindra-t-on sans cesse ?

Serait-on empereur, prélat, prince et princesse,

Pour ne pas s’amuser ?

Ce peuple en larmes, triste, et que la faim déchire,

Doit être satisfait puisqu’il vous entend rire

Et qu’il vous voit danser !

Qu’importe ! Allons, emplis ton coffre, emplis ta poche.

Chantez, le verre en main, Troplong, Sibour, Baroche !

Ce tableau nous manquait.

Regorgez, quand la faim tient le peuple en sa serre,

Et faites, au-dessus de l’immense misère,

Un immense banquet !

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