VIII

Un vieux penchant humain mène à la turpitude.

L’opprobre est un logis, un centre, une habitude,

Un toit, un oreiller, un lit tiède et charmant,

Un bon manteau bien ample où l’on est chaudement.

L’opprobre est le milieu respirable aux immondes.

Quoi ! nous nous étonnons d’ouïr dans les deux mondes

Les dupes faisant chœur avec les chenapans,

Les gredins, les niais vanter ce guet-apens.

Mais ce sont là les lois de la mère nature.

C’est de l’antique instinct l’éternelle aventure.

Par le point qui séduit ses appétits flattés

Chaque bête se plaît aux monstruosités.

Quoi ! ce crime est hideux ! quoi ! ce crime est stupide !

N’est-il plus d’animaux pour l’admirer ? Le vide

S’est-il fait ? N’est-il plus d’êtres vils et rampants ?

N’est-il plus de chacals ? n’est-il plus de serpents ?

Quoi ! les baudets ont-ils pris tout à coup des ailes,

Et se sont-ils enfuis aux voûtes éternelles ?

De la création l’âne a-t-il disparu ?

Quand Cyrus, Annibal, César, montaient à cru

Cet effrayant cheval qu’on appelle la gloire,

Quand, ailés, effarés de joie et de victoire,

Ils passaient flamboyants au fond des cieux vermeils,

Les aigles leur criaient : vous êtes nos pareils !

Les aigles leur criaient : vous portez le tonnerre !

Aujourd’hui les hiboux acclament Lacenaire.

Eh bien ! je trouve bon que cela soit ainsi.

J’applaudis les hiboux et je leur dis : merci.

La sottise se mêle à ce concert sinistre,

Tant mieux. Dans sa gazette, ô Juvénal, tel cuistre

Déclare, avec messieurs d’Arras et de Beauvais,

Mandrin très bon, et dit l’honnête homme mauvais,

Foule aux pieds les héros et vante les infâmes,

C’est tout simple ; et, vraiment, nous serions bonnes âmes

De nous émerveiller lorsque nous entendons

Les Veuillots aux lauriers préférer les chardons.

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