I

Ô saint prêtre ! grande âme ! oh ! je tombe à genoux !

Jeune, il avait encor de longs jours parmi nous,

Il n’en a pas compté le nombre ;

Il était à cet âge où le bonheur fleurit ;

Il a considéré la croix de Jésus-Christ

Toute rayonnante dans l’ombre.

Il a dit : « C’est le Dieu de progrès et d’amour.

Jésus, qui voit ton front, croit voir le front du jour.

Christ sourit à qui le repousse.

Puisqu’il est mort pour nous, je veux mourir pour lui ;

Dans son tombeau, dont j’ai la pierre pour appui,

Il m’appelle d’une voix douce.

» Sa doctrine est le ciel entr’ouvert ; par la main,

Comme un père l’enfant, il tient le genre humain ;

Par lui nous vivons et nous sommes ;

Au chevet des geôliers dormant dans leurs maisons,

Il dérobe les clefs de toutes les prisons

Et met en liberté les hommes.

» Or il est, loin de nous, une autre humanité

Qui ne le connaît point, et dans l’iniquité

Rampe enchaînée, et souffre et tombe ;

Ils font pour trouver Dieu de ténébreux efforts ;

Ils s’agitent en vain ; ils sont comme des morts

Qui tâtent le mur de leur tombe.

» Sans loi, sans but, sans guide, ils errent ici-bas.

Ils sont méchants, étant ignorants ; ils n’ont pas

Leur part de la grande conquête.

J’irai. Pour les sauver je quitte le saint lieu.

Ô mes frères, je viens vous apporter mon Dieu ;

Je viens vous apporter ma tête ! » —

Prêtre, il s’est souvenu, calme en nos jours troublés,

De la parole dite aux apôtres : — Allez,

Bravez les bûchers et les claies !

Et de l’adieu du Christ au suprême moment :

— Ô vivant, aimez-vous ! aimez. En vous aimant,

Frères, vous fermerez mes plaies. —

Il s’est dit qu’il est bon d’éclairer dans leur nuit

Ces peuples, égarés loin du progrès qui luit,

Dont l’âme est couverte de voiles ;

Puis il s’en est allé, dans les vents, dans les flots,

Vers les noirs chevalets et les sanglants billots,

Les yeux fixés sur les étoiles.

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