XIV

C’est la nuit ; la nuit noire, assoupie et profonde ;

L’ombre immense élargit ses ailes sur le monde.

Dans vos joyeux palais gardés par le canon,

Dans vos lits de velours, de damas, de linon,

Sous vos chauds couvre-pieds de martres zibelines,

Sous le nuage blanc des molles mousselines,

— Derrière vos rideaux qui cachent sous leurs plis

Toutes les voluptés avec tous les oublis,

Aux sons d’une fanfare amoureuse et lointaine,

Tandis qu’une veilleuse, en tremblant, ose à peine

Éclairer le plafond de pourpre et de lampas,

Vous, duc de Saint-Arnaud, vous, comte de Maupas,

Vous, sénateurs, préfets, généraux, juges, princes,

Toi, César, qu’à genoux adorent tes provinces,

Toi qui rêvas l’empire et le réalisas,

Dormez, maîtres… — Voici le jour. Debout, forçats !

Jersey, 28 octobre 1852

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