XVIII.

Hélas ! tout est sépulcre. On en sort, on y tombe :

La nuit est la muraille immense de la tombe.

Les astres, dont luit la clarté,

Orion, Sirius, Mars, Jupiter, Mercure,

Sont les cailloux qu’on voit dans ta tranchée obscure,

Ô sombre fosse Éternité !

Une nuit, un esprit me parla dans un rêve,

Et me dit : – Je suis aigle en un ciel où se lève

Un soleil qui t’est inconnu.

J’ai voulu soulever un coin du vaste voile ;

J’ai voulu voir de près ton ciel et ton étoile ;

Et c’est pourquoi je suis venu ;

Et, quand j’ai traversé les cieux grands et terribles,

Quand j’ai vu le monceau des ténèbres horribles

Et l’abîme énorme où l’œil fuit,

Je me suis demandé si cette ombre où l’on souffre

Pourrait jamais combler ce puits, et si ce gouffre

Pourrait contenir cette nuit !

Et, moi, l’aigle lointain, épouvanté, j’arrive.

Et je crie, et je viens m’abattre sur ta rive,

Près de toi, songeur sans flambeau.

Connais-tu ces frissons, cette horreur, ce vertige,

Toi, l’autre aigle de l’autre azur ? – Je suis, lui dis-je,

L’autre ver de l’autre tombeau.

Au dolmen de la Corbière, juin 1855.

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