I.

Pure Innocence ! Vertu sainte !

Ô les deux sommets d’ici-bas !

Où croissent, sans ombre et sans crainte,

Les deux palmes des deux combats !

Palme du combat Ignorance !

Palme du combat Vérité !

L’âme, à travers sa transparence,

Voit trembler leur double clarté.

Innocence ! Vertu ! sublimes

Même pour l’œil mort du méchant !

On voit dans l’azur ces deux cimes,

L’une au levant, l’autre au couchant.

Elles guident la nef qui sombre ;

L’une est phare, et l’autre est flambeau ;

L’une a le berceau dans son ombre,

L’autre en son ombre a le tombeau.

C’est sous la terre infortunée

Que commence, obscure à nos yeux,

La ligne de la destinée ;

Elles l’achèvent dans les cieux.

Elles montrent, malgré les voiles

Et l’ombre du fatal milieu,

Nos âmes touchant les étoiles

Et la candeur mêlée au bleu.

Elles éclairent les problèmes ;

Elles disent le lendemain ;

Elles sont les blancheurs suprêmes

De tout le sombre gouffre humain.

L’archange effleure de son aile

Ce faîte où Jéhovah s’assied ;

Et sur cette neige éternelle

On voit l’empreinte d’un seul pied.

Cette trace qui nous enseigne,

Ce pied blanc, ce pied fait de jour,

Ce pied rose, hélas ! car il saigne,

Ce pied nu, c’est le tien, amour !

Janvier 1843.

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