VIII.

À qui donc sommes-nous ? Qui nous a ? qui nous mène ?

Vautour fatalité, tiens-tu la race humaine ?

Oh ! parlez, cieux vermeils,

L’âme sans fond tient-elle aux étoiles sans nombre ?

Chaque rayon d’en haut est-il un fil de l’ombre

Liant l’homme aux soleils ?

Est-ce qu’en nos esprits, que l’ombre a pour repaires,

Nous allons voir rentrer les songes de nos pères ?

Destin, lugubre assaut !

Ô vivants, serions-nous l’objet d’une dispute ?

L’un veut-il notre gloire, et l’autre notre chute ?

Combien sont-ils là-haut ?

Jadis, au fond du ciel, aux yeux du mage sombre,

Deux joueurs effrayants apparaissaient dans l’ombre.

Qui craindre ? qui prier ?

Les Manès frissonnants, les pâles Zoroastres

Voyaient deux grandes mains qui déplaçaient les astres

Sur le noir échiquier.

Songe horrible ! le bien, le mal, de cette voûte

Pendent-ils sur nos fronts ? Dieu, tire-moi du doute !

Ô sphinx, dis-moi le mot !

Cet affreux rêve pèse à nos yeux qui sommeillent,

Noirs vivants ! heureux ceux qui tout à coup s’éveillent

Et meurent en sursaut !

Villequier, 4 septembre 1845.

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