XIV. Billet du matin

Si les liens des cœurs ne sont pas des mensonges,

Oh ! dites, vous devez avoir eu de doux songes,

Je n’ai fait que rêver de vous toute la nuit.

Et nous nous aimions tant ! vous me disiez : « Tout fuit,

Tout s’éteint, tout s’en va ; ta seule image reste. »

Nous devions être morts dans ce rêve céleste ;

Il semblait que c’était déjà le paradis.

Oh ! oui, nous étions morts, bien sûr ; je vous le dis.

Nous avions tous les deux la forme de nos âmes.

Tout ce que, l’un de l’autre, ici-bas nous aimâmes

Composait notre corps de flamme et de rayons,

Et, naturellement, nous nous reconnaissions.

Il nous apparaissait des visages d’aurore

Qui nous disaient : « C’est moi ! » la lumière sonore

Chantait ; et nous étions des frissons et des voix.

Vous me disiez : « Écoute ! » et je répondais : « Vois ! »

Je disais : « Viens-nous-en dans les profondeurs sombres,

Vivons ; c’est autrefois que nous étions des ombres. »

Et, mêlant nos appels et nos cris : « Viens ! oh ! viens !

Et moi, je me rappelle, et toi, tu te souviens. »

Éblouis, nous chantions : – C’est nous-mêmes qui sommes

Tout ce qui nous semblait, sur la terre des hommes,

Bon, juste, grand, sublime, ineffable et charmant ;

Nous sommes le regard et le rayonnement ;

Le sourire de l’aube et l’odeur de la rose,

C’est nous ; l’astre est le nid où notre aile se pose ;

Nous avons l’infini pour sphère et pour milieu,

L’éternité pour âge ; et, notre amour, c’est Dieu.

Paris, juin 18…

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