XXIII. Après l’hiver

Tout revit, ma bien-aimée !

Le ciel gris perd sa pâleur ;

Quand la terre est embaumée,

Le cœur de l’homme est meilleur.

En haut, d’où l’amour ruisselle,

En bas, où meurt la douleur,

La même immense étincelle

Allume l’astre et la fleur.

L’hiver fuit, saison d’alarmes,

Noir avril mystérieux

Où l’âpre sève des larmes

Coule, et du cœur monte aux yeux.

Ô douce désuétude

De souffrir et de pleurer !

Veux-tu, dans la solitude,

Nous mettre à nous adorer ?

La branche au soleil se dore

Et penche, pour l’abriter,

Ses boutons qui vont éclore

Sur l’oiseau qui va chanter.

L’aurore où nous nous aimâmes

Semble renaître à nos yeux ;

Et mai sourit dans nos âmes

Comme il sourit dans les cieux.

On entend rire, on voit luire

Tous les êtres tour à tour,

La nuit, les astres bruire,

Et les abeilles, le jour.

Et partout nos regards lisent,

Et, dans l’herbe et dans les nids,

De petites voix nous disent :

« Les aimants sont les bénis ! »

L’air enivre ; tu reposes

À mon cou tes bras vainqueurs. –

Sur les rosiers que de roses !

Que de soupirs dans nos cœurs !

Comme l’aube, tu me charmes ;

Ta bouche et tes yeux chéris

Ont, quand tu pleures, ses larmes,

Et ses perles quand tu ris.

La nature, sœur jumelle

Ève et d’Adam et du jour,

Nous aime, nous berce et mêle

Son mystère à notre amour.

Il suffit que tu paraisses

Pour que le ciel, t’adorant,

Te contemple ; et, nos caresses,

Toute l’ombre nous les rend !

Clartés et parfums nous-mêmes,

Nous baignons nos cœurs heureux

Dans les effluves suprêmes

Des éléments amoureux.

Et, sans qu’un souci t’oppresse,

Sans que ce soit mon tourment,

J’ai l’étoile pour maîtresse ;

Le soleil est ton amant ;

Et nous donnons notre fièvre

Aux fleurs où nous appuyons

Nos bouches, et notre lèvre

Sent le baiser des rayons.

Juin 18…

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